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Plume de Renard - Page 59

  • Dans la tête

    Un nouveau sursaut de vie bloggique, avec une nouvelle historiette! Et oui! Parce qu'on a tous des trucs dans la tête dont à honte, et qui hanteront à jamais jusqu'à nos vieux jours (au moins, nous n'entendrons plus grand chose!)...

     

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    "Vous aviez cru pouvoir y échapper. Vraiment, vous y aviez cru de toute votre âme. Cru à la force de votre mental d’acier en la question, cru qu’il vous serait à jamais impossible d’y être sujet. Vous viviez alors le cœur léger, les épaules droites et les oreilles frétillantes, insouciant du drame qui allait s’abattre sur vous avec la force d’une chanson de supermarché crachée par des haut-parleurs dernier cri. D’ailleurs, vous n’oserez plus jamais mettre les pieds dans un supermarché, de crainte de succomber à des tentations que vous pensiez jusqu’à aujourd’hui inexistantes. Maintenant, entre les rayons électronique et musique, vous ne serez plus jamais tranquille, trimballant avec vous ce lourd secret comme un poids mort et faisandé. Vous vous imaginez déjà frôler les étagères avec le col relevé d’un imper pour cacher votre visage, de grosses lunettes noires et un chapeau mou enfoncé sur le crâne. Vous serez telle une star déchue, atteinte du dernier mal à la mode, celui qui vous ronge les entrailles, vous vrille les tympans et dont la nausée qui y sera à jamais associée vous empêchera de dormir tranquillement dans votre lit la nuit, assis en sueur au milieu des couvertures et fixant le plafond avec l’énergie du désespoir, des fois qu’il vous tomberait sur le coin de la pomme pour mettre fin à une existence de douleur.

    Mais le plafond ne tombe pas malgré la tâche d’humidité causée par le nouveau voisin du dessus ayant inondé sa salle de bain. L’appartement au-dessus du vautre est si vétuste et pourri de l’intérieur qu’il ferait passer une cave préhistorique comme le nec plus ultra du luxe et du confort, et les légendes se répandent dans l’immeuble depuis toujours sur les horreurs insondables qui se cachent dans les murs du 34B. Personnellement, vous pariez pour une colonie de rats géant, le fantôme d’un serial-killer ou paquet d’œufs oublié dans un placard caché et périmé depuis 1995 au moins (aussi bien les œufs que le bois du placard). Toujours est-il que les propriétaires de l’immeuble ne se sont jamais donné la peine d’y remédier et se contentent de le louer à bas pris à de pauvres innocents fauchés, crédules ou désespérés (ou les trois, mais dans ce cas on appelle cette personne un étudiant) qui se succèdent régulièrement, souvent rapidement vaincu par l’appartement maléfique. Vous êtes capables de dire quand un nouveau naïf a emménagé même sans jamais l’avoir croisé pour la simple bonne raison qu’il sera tout bonnement incapable de faire fonctionner la salle de bain sans l’inonder au moins une fois, piégé par les canalisations hantées. D’où la tâche d’humidité qui s’étend régulièrement sur le plafond de votre chambre à chaque nouveau locataire maudit. La gérance de votre immeuble étant reconnue pour agir à peine moins rapidement que l’écart des plaques tectoniques entre continents ou la fonte des glaces, vous avez fini par vous habituer au phénomène et dormez dans le salon lorsque vous entendez les tuyaux glouglouter de manière funeste, signe d’un nouvel arrivant dans la maisonnée. Mais en cet après-midi ensoleillé de début de printemps, vous avez autre en tête que de vous préoccuper de dégâts des eaux supplémentaires. Vous souffrez bien trop pour cela, abattu par la tragique nouvelle que vous venez enfin de réaliser ; avoir mis un nom sur ce mal qui vous minait depuis quelques jours ne vous aide même pas, bien au contraire…

     Ne tenant plus en place, vous vous levez de votre vieux canapé d’occasion, une épaisse couverture sur les épaules tandis que, pieds nus, vous essayez de ne pas trébucher sur les jambes de votre vieux peignoir vert et élimé. Marchant dans l’obscurité ambiante, vous vous arrêtez devant la fenêtre du séjour et en tirez juste un peu les épais rideaux, laissant entrer de très minces rayons lumineux à travers les lamelles du store. Après avoir ouvert la fenêtre, vous espacez de vos doigts les fameuses lamelles et plissez vos yeux agressés par la lumière du jour. Dehors, il faut chaud, il fait beau, et vous entendriez les oiseaux chanter si seulement il y avait moins de voitures en train de circuler. Ah, que donneriez-vous pas pour entendre à nouveau le gai gazouillis des moineaux et des hirondelles sous vos fenêtre, leur fraîche mélodie baignant vos oreilles fatiguée d’une véritable ode à la nature, simple et pure. Mais plus jamais vos oreilles ne résonneront du chant des oiseaux ou des rires des enfants en train de courir sur le trottoir… Vous suivez des yeux des gosses en train de jouer en contrebas, vous regardez deux grands-mères pousser leur chariot de course en discutant joyeusement, vous repérez ces étudiants qui rirent en trainant des pieds. Des imbéciles, tous, heureux dans leur ignorance, se complaisant dans leur petit traintrain quotidien, imperméables à tout ce qu’il y avait de plus vil et ignoble en ce monde. Comme vous les enviez, ces insouciants, ces bienheureux, ces ignorants !

    Maugréant entre vos dents, vous refermez la fenêtre et tirez à nouveau les rideaux, clignant des yeux pour les réhabituer à nouveau à la pénombre qui serait désormais votre quotidien, indigne que vous êtes de marcher à nouveau dans la lumière. Vous entendez encore la voix de votre chère et tendre ce matin, vous atteignant à travers les trois couvertures jetées sur votre tête, essayant de vous tirer de votre torpeur née du malheur, essayant de vous persuader que quelle que soit l’affliction qui vous ronge, vous dramatisiez. Pourquoi est-elle si persuadée que le drame est dans votre nature, vous qui n’êtes plus que l’ombre de vous-même, pathétique petite chose fragile et à jamais avilie ? La situation actuelle n’a rien à voir avec la fois ou, découvrant qu’une grande marque de l’alimentation décidant d’arrêter de produire vos yoghurts préférés (vous auriez dû vous en douter, pourtant, que « bananes-carottes » ne marcheraient pas longtemps), vous aviez passé la journée sous le choc de la triste nouvelle, en peignoir toujours et un bac de glace sur les genoux, vous lamentant sur le bon goût qui jamais plus ne flattera vous papilles. Non, vraiment, vous ne comprenez pas votre aimée ; le drame n’est pas de votre ressort, et vous n’êtes certes pas prêt à le gonfler quand il se montre déjà si cruel avec vous. Alors elle vous a laissé seul, prétextant on travail qui l’attendait, mais vous ne voyez plus comment la moindre tâche peut avoir son sens dans un monde où une chose aussi terrible que ce qui vous touche peut se produire. Vous n’avez réussi à écrire la moindre ligne depuis votre réveil, convaincu que toute volonté de créer sera à jamais annihilée, balayée par l’horreur qui résonne encore à vos oreilles, qui jamais ne quitte votre esprit, qui vous tourne dans la tête encore et encore, sans cesse, sans merci ni pitié… Tandis que vous vous dirigez à nouveau vers le canapé, vous entendez votre pantoufle –trainant sur seul- feuler ; caché à l’intérieur, petit chat exprime son mécontentement à  l’encontre du chihuahua de la voisine d’en face que vous avez accepté de garder le temps d’un long week-end. Guère favorable à la chose, votre félin ne se prive pas de vous le faire comprendre ; presque plus petit que le chien en question, il se cache depuis dans les endroits les plus étroits et improbables, soufflant ou grognant à l’adresse de l’autre bestiole lorsqu’elle vient trottiner dans les parages. Mais vous laissant tomber sur les coussins, vous ignorez les luttes animales qui se déroulent sous vos pieds, et les petites pattes griffues du chien venant gratter votre jambe pour mendier une caresse (tout en donnant l’impression de vouloir plutôt râper du fromage) ne vous distraient pas des idées noires qui flottent dans votre tête de plus en plus lourde...

     Pourtant vois aviez toujours lutté, toujours tout fait pour ne pas vous retrouver dans cette atroce situation. Vous faisiez à attention à votre hygiène de vie, vous vous cultivez, vous n’écoutiez pas la radio. Vous sentiez à l’abri, comme barricadé derrière vos certitudes, droit, fier, inébranlable. Vous ne serez pas de ceux qui succombent, vous serez toujours fort, toujours sûr. Les mélodie du mal jamais ne chanteront agréablement à vos oreilles et pourtant, pourtant vous n’avez pas pu l’empêcher. Si vous étiez croyant, vous murmuriez sans aucun doute quelque « Pardonnez-moi mon dieu parce que j’ai pêché ». Vous donneriez même votre âme à Thor, Odin ou un autre ancien dieu oublié du nord pour purger votre corps et votre âme de leur douleur. Et si la femme qui partage votre vie ne peut vous comprendre, c’est parce que vous ne pouvez vous résoudre à l’accabler de cette triste nouvelle, peur de voir son visage se décomposer tandis que vous confesseriez l’insoutenable vérité… Elle aime Pierre Bachelet, Aznavour et Queen, vous aimez Chopin et John Williams. Voilà que votre esprit divague à nouveau, essayant d’invoquer les échos chargés en émotions de tous ces grands chanteurs et compositeur, comme si la musique pouvait laver vos pêchés alors qu’elle est directement responsable de votre malheur. Recroquevillé sur le canapé, les bras serrés autour des genoux, vous vous balancez doucement en chantonnant doucement entre vos lèvres alors que vous devriez hurler à la mort. Mais les notes continuent de vous harceler les tympans, dans votre tête sont gravés au fer rouge les mots honnis et dépourvus de sens. Les mains tremblantes, comme celle d’un drogué en manque, vous vous saisissez du lecteur mp3 où, cédant à votre basse pulsion, vous avez placé l’objet de votre déchéance, la fin de votre humanité, la destruction totale et irrémédiable de ce bon goût dont vous étiez s’y faire. Doucement, comme dans un rêve, vous approchez les écouteurs de vos oreilles, maudissant votre nom et votre faiblesse tandis que les derniers reflets de celui que vous pensiez être fondent comme neige au soleil…

     Vous avez une chanson de Rihanna dans la tête, et vous aimez ça."

  • Hommage à Stars Hollow

    Un hommage à la série "Gilmore Girls", dont vous venez de finir le visionnage. Non, vous ne vivez pas par procuration à travers les séries, même si la passion que vous y mettez peut faire penser le contraire. Même si, des fois, vous ne pouvez vous empêcher que ce ne serait pas si mal... u.u

     

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    Ca y est, vous venez enfin de regarder l’épisode final de la série « Gilmore Girls », il est temps de ranger les dvds… Sept saisons avalées en une année, et encore, vous auriez dévoré tout cela plus rapidement encore si, arrivé à la dernière saison, vous n’aviez pas fait trainé les choses. Pourquoi ? Parce que vous étiez simplement trop triste à l’idée que la fin approchait et qu’ensuite il n’y aurait plus jamais de nouveaux épisodes de cette fantastique série. Qui aurait cru que vous accrocheriez quand, l’an passé, vous étiez tombé dessus plusieurs fois en tombant au hasard du zapping sur les rediffusions d’une chaine de télévision anglophone ? Et pourtant, le charme avait tout de suite opéré : sans savoir de quoi il s’agissait vraiment, ni où vous étiez tombés, vous avez été séduit par l’ambiance, les personnages et, surtout, l’humour de ces dialogues incroyablement maitrisés. Vous vous étiez alors promis de jeter un œil plus en avant à cette série de sept saisons, terminée il y a relativement longtemps, en 2007. Alors vous avez trouvé les premiers épisodes, et la première saison était passée sans que vous ne vous en rendiez-compte, happé que vous fûtes par le petit monde bigarré et délicieusement unique de Stars Hollow. Et puis la saison deux fila comme une flèche, puis la troisième, et ainsi de suite… Jusqu’à cette septième et ultime saison que vous avez fait durer de nombreux mois, guère enthousiaste à l’idée d’en finir avec le monde de « Gilmore Girls ».

     

    Mais qu’est-ce que « Gilmore Girls », au fond, et pourquoi y êtes-vous tant attaché ? De prime abord, le titre ne renseigne guère les hypothétiques spectateurs.  De nos jours, cela ferait penser à « Gossip Girl », et nous aurions alors l’impression d’être en présence d’une sorte de soap-opera de plus destiné à l’adolescence. Et bien non. « Gilmore Girls » n’a rien d’un soap-opera. C’est une série dramatique (le genre qui regroupe toutes les séries qui ne sont pas exclusivement d’un genre particulier comme le sont les sitcoms, les soaps, les séries fantastiques, etc… Les séries dramatiques, c’est tout le reste) remplie d’humour, de cœur et de répliques délicieuses débitées à la vitesse d’une mitraillette. C’est le petit monde particulier et fantastique de la petite ville américaine (fictive, hélas !) Stars Hollow où vivent les deux Gilmore Girls du titre : Lorelai Gilmore et sa fille, Rory. Au début de la série, Lorelai est la gérante de l’auberge de la ville, ville où elle a élevé seule sa fille, Rory, seize ans au début de l’histoire. Enceinte à ce même âge, Lorelai avait fui l’influence de ses richissimes et snobs parents pour élever elle-même sa fille comme elle l’entendait, à partir de zéro. Jusqu’à ce que Rory soit acceptée dans une prestigieuse école privée qui poussera Lorelai à faire ce qu’elle s’était refusée à effectuer depuis sa grossesse : demander de l’aide à ses parents. Qui acceptent de financer l’école de leur petite-fille si Lorelai et Rory viennent dès lors manger chez eux chaque vendredi soir…

    Et c’est à partir de ce prémisse guère folichon de prime abord : d’ailleurs, vous auriez lu le synopsis avant de tomber dessus à la télé, vous n’auriez jamais jeté un œil à cette histoire. Et comme vous auriez eu tort ; que tous ceux qui penseraient ceci un jour ont tort également ! Car très vite, entrer dans le monde des Gilmore Girls, c’est participer à une fantastique aventure qui, bien que toujours centrée sur la relation mère –fille des deux héroïnes, nous fera rencontrer pléthore de personnages uniques et hauts en couleur ! Certes, il s’agira ici d’une histoire simple, d’une histoire de la vie, sans grandes intrigues ni drames, sans le moindre élément fantastique ni aucun action, mais quelle importance quand cette simplicité est si bien mise en avant… tout en étant aussi, je le redis, unique ? On rit, on a parfois la larme à l’œil, on se demande où la vie va mener ces personnages auxquels on s’attache en un temps éclair. Très vite, la ville de Stars Hollow devient un personnage à part entière, remplie d’habitants tous aussi farfelus que touchants et si sympathiques. Lane, la meilleure amie de Rory, et sa rigide mère madame Kim ; l’inénarrable Kirk, le plus bizarre des citoyens ; le tatillon Taylor ; miss Patty et Babette ; Sookie et Jackson et, bien sûr, l’incroyablement drôle Michel. Et tant d’autres ! Uniquement des noms pour ceux qui liront ce texte sans connaître la série mais des noms qui cessent très vite d’en être après les premiers épisodes, tellement on s’attache rapidement à ces singuliers individus et à tous ceux qui finissent par croiser leur route le temps d’échanger une croustillante réplique…

     

    …car c’est là l’indéniable force de « Gilmore Girls » : les dialogues. Les personnages parlent. Tout le temps. Chacun d’entre eux possède à sa manière un sens de la répartie qui lui est propre et qui se mêle harmonieusement avec celui de son voisin. Les répliques fusent à cent à l’heure, et l’écriture est tellement maîtrisée, tellement fluide qu’on en oublie qu’il serait hautement improbable de croiser dans notre vie autant de gens aussi doués pour manier les mots. Mais c’est là la grande force de la série : tout est naturel. Tout coule à flots, sans jamais s’arrêter ou presque, et c’est se laisser emporter dans le courant d’un fleuve de phrases et de dialogues aux petits oignons mais jamais, jamais forcé. Dans AUCUNE série avez-vous trouvé un tel brio, un tel naturel dans les dialogues. De simples conversations téléphoniques –rarement fascinantes dans une série habituellement- deviennent passionnantes, hilarantes et rythmées. Ce n’est pas pour rien si ce programme est célèbre pour toujours avoir eu des scripts une fois et demie à deux fois plus épais que pour n’importe quelle autre série. Et il n’est nullement question de dialogue d’exposition emprunt des lourdeurs qui lui sont propres, non : encore une fois, vous insistez sur le naturel qui prévaut dans le moindre de ces échanges. Rien n’est jamais téléphoné, et on ne peut que louer le travail incroyable de l’écriture de cette série. Le fond de l’histoire est une histoire banale, une histoire de la vie de tous les jours, mais présentée à travers ces échanges, ces dialogues et ces relations, on ne peut qu’être happé au cœur de ce monde.

     

    Des relations, car outre la parlote, elles sont au cœur de la série, entre ces personnages dont on suit le parcours pendant sept années qui passent bien trop vite. Et, une fois le dernier épisode fini, c’est avec une grande tristesse que vous dites au revoir à Lorelai, Rory, Luke, Kirk, Lane et tous ces autre formidables personnages à la langue bien pendue incarnés par des acteurs tout aussi fantastiques. Cette histoire est avant tout celle des relation : de la fantastique relation mère-fille, au cœur de la série, et de celles qu’elles ont avec tous les autres personnages, et ces derniers entre eux. Et voir ces relations évoluer en même temps que tous ces êtres humains, car « Gilmore Girls » c’est ça, aussi ; de l’humanité sous son jour le meilleur : complexe et toute en nuances, mais jamais gratuitement méchante ou provocante dans le seul but, et bien, de provoquer le spectateur. Et du cœur, avant tout : beaucoup de cœur. Des relations avec la famille en leur centre, mais la famille au sens le plus large et, selon vous, le plus beau du terme : celui qui dépasse les liens du sang et où la famille peut aller jusqu’à englober une ville entière. Il suffit d’une saison pour s’en rendre compote et, sept ans après, le dernier épisode le prouve une dernière fois avec un rassemblement doté d’une forte puissance émotionnelle qui vous aura fait user quelques mouchoirs. Et ardemment souhaité avoir pu vivre dans une telle ville ou, tout simplement, de pouvoir ressentir le fait de faire partie de quelque chose d'aussi grand, d'être aussi proches avec un petit groupe de personnes, d'amis et de famille, vous qui avez tant de peine à vous sentir connecté et à l'aise dans la vie réelle, et ce même avec ceux qui devraient vous être les plus proches. Et si cet au revoir vous est d’autant plus difficile, c’est sans aucun doute parce que vous avez découvert cette série durant une période très difficile de votre vie, où le moral et l’humeur n’étaient jamais au beau fixe. Toujours prêt à vous évader dans les histoires en vous plongeant dans vos livres et vos séries, vous avez particulièrement touchés par cette série plus que toute autre chose. Pendant de longs mois difficiles, votre dose quotidienne d’épisodes de « Gilmore Girls » vous a aidé à vous changer les idées comme nulle autre chose n’y parvenait. Un épisode de cette série arrivait toujours à vous ramener le sourire, à vous booster un moral en baisse, et vous aviez, le temps de chaque visionnage, le sentiment de vous sentir enfin à l’aise, même uniquement le temps d’un épisode. Dit comme ça, cela peut paraître idiot, vous vous en rendez compte. Ce n’est qu’une série, qu’une histoire, ce n’est pas la réalité. Mais cela n’empêche que ça vous a fait un bien fou. Dans les moments difficiles, nous avons tous des petites choses auxquelles nous raccrocher, des escapades en-dehors de la réalité, et « Gilmore Girls » l’a été pour vous, plus que n’importe quelle autre série. Alors oui, ce n’est peut-être qu’une histoire, ce n’est pas plus la réalité qu’une réelle raison de vivre,  mais quelle importance ? Au final, ce qui compte, c’est que c’est une sacrée bonne histoire !

     

    Et une à laquelle vous reviendrez sans doute plus d’une fois comme on reprend un bon roman maintes fois dévorés. Après tout, ce n’est pas parce que la série se termine que vous vous priverez de suivre une fois encore la vie de tous les habitants de Stars Hollow. Car, même fictive, cette petite ville vous donnera toujours une impression chérie entre toutes : celle de vous sentir, un peu, à la maison.

     

     

    PS: et, franchement, la version française est à éviter comme la peste. Elle est vraiment et particulièrement mauvaise. Vraiment vraiment.

     

     

     

  • Celle qui ne se vidait jamais

    Et oui, vous ne rêvez pas braves gens, une nouvelle historiette, de la fameuse série des... ben, des historiettes! Ca faisait longtemps!^^ Basée sur un fait réel et mystérieux, souvent rencontré dans les restaurants asiatiques...

     

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    Vous adorez manger asiatique. Vraiment. Depuis votre découverte de cette cuisine si riche et variée, aux saveurs toujours surprenantes, vous grommelez lorsque vous êtes obligé de manger autre chose. Comme lorsque votre ami Kevin vous force à venir avec lui s’attabler devant le comptoir d’un des restaurants « remise en forme » qu’il adore, où vous vous retrouvez à brouter de la salade (sans sauce) debout au bar (sans tabouret). Et à boire ces horribles smoothies aux fruits, censément si bon pour la santé alors qu’ils ont failli vous coûter la vôtre au moins une fois suite à un désastreux cas d’allergie grave à la papaye. Depuis, vous évitez coûte que coûte ce fruit maudit –ce qui n’est pas spécialement difficile, certes- et préférez les raviolis aux crevettes à ceux en épinards et sans croûte (ce qui représente néanmoins un certain tour de force dans l’art du ravioli qui vous sidère).  Non, vous, c’est définitif, vous préférez rester en-dehors de tout restaurant trop sain comme ceux de Kevin, ou trop lourds comme la plupart des endroits dits « tradition » qui cuisinent joyeusement dans l’huile et le beurre. Ce n’est donc pas par attrait particulier des mystères des millénaires et riches cultures asiatiques que vous fréquentez les restaurants de leurs dépositaires ; non, la raison est bien plus terre-à-terre : ça a bon goût. Voilà tout. Fort heureusement, votre manie à sélectionner les bistrots par la disposition ou non de caractères tordus et étranges sur leurs enseignes est quelque chose que vous partagez avec l’être aimé, que vous avez très rapidement converti. Ce qui ne l’empêche pas d’aller parfois manger de monstrueux steak frites de son côté sans jamais prendre un gramme, comme on le sait.

     

    Bref, voilà qui explique votre présence à une table de votre petit restau asiatique préféré, celui de l’autre côté de votre rue qui a ouvert il y a quatre ans, deux mois, une semaine et 4 jours et que vous fréquentez assidûment depuis le premier jour d’ouverture. Vous y êtes devenu un tel habitué que le personnel de l’établissement vous appelle par votre prénom, vous garde toujours le même coin de table et vous demande où vous êtes dans l’écriture de vos histoires. Certains suggèrent même quelques idées par-ci par-là, comme un sympathique ado embauché en extra qui ne manque jamais de répéter que, quelle que soit l’histoire, « c’est toujours mieux avec un dragon ! ». Un principe auquel vous êtes assez d’accord, même si vous vous demandez toujours comment intégrer un flamboyant dragon dans un récit moderne à base d’intrigue technologique se passant dans une grande ville du coin (très pratique pour vos repérages et, si le succès suit, ne pas oublier de penser à demander des droits à l’office du tourisme pour les futures visites provoquées par vos quelques pages. Parfaitement.). Et voilà qui y explique précisément votre présence ce soir-là, en compagnie de celle que vous aimez, de votre éditeur et de sa dernière femme. Oui, le fameux éditeur qui habite à la campagne loin de tout et vous force à passer de longues heures dans le train lorsqu’il a besoin de vous voir en personne. Ce qui vous fait principalement râler pour le principe, parce qu’il y a toujours de l’excellent bourbon au coin de sa cheminée, que sa collection de guidons de vélos de toutes les âges et de tous les pays ne manque pas de vous fasciner et que vous avez même réussi à apprécier l’énorme boxer qui vient amoureusement baver sur vos genoux à chacune de vos visites. Ce qui vous a plus d’une fois pousser, les jours suivants, à devoir aller vous acheter une nouvelle paire de pantalons, provoquant en vous tout le déchaînement émotionnel d’une bête visite au rayon fringues, on le sait aussi. Mais ce soir est l’un des rares où votre cher éditeur à le besoin de se rendre en ville pour régler quelques affaires, et vous avez proposé de se retrouver tous ensemble pour un petit repas détendu dans votre restau favori du quartier. Et si votre patron fréquente régulièrement les établissements de la haute et grande cuisine, il a néanmoins été charmé de l’idée, lui qui a passé la plus grande partie de sa vie à voyager aux quatre coins du monde dans des conditions plutôt précaires et à manger ce qu’il pouvait où il pouvait. Cela ne fait que quelques années qu’il a posé ses valises et sa vieille machine à écrire pour se retirer à la campagne et éditer les livres des autres. Cela va sans dire que chacune de vos rencontres est remplie d’anecdotes aussi fascinantes que pittoresques qui pourraient remplir une collection de la Pléiade si l’homme se décidait un jour à publier ses mémoires. Et c’est cet homme avisé et expérimenté qui avait décelé en vous un gramme de talent et vous avait offert les portes de ce métier que vous adorez (quand il ne vous rend pas plus fou que vous ne l’êtes déjà ; le métier, pas l’éditeur). Vous adorez cet homme, qui est un peu pour vous le grand-père aventureux et fantastique que vous n’avez jamais eu. Votre compagne –généralement barbée par tout ce qui peut ressembler de près ou de loin à un dîner d’affaires- s’est tout autant entichée de l’homme, et ce n’est pas la première fois que vous avez l’occasion d’être ainsi réunis. Quant à la dernière épouse en date de votre éditeur, une ancienne journaliste, elle se révèle d’agréable compagnie malgré la teinture rouge vif de ses cheveux qui manque de vous aveugler entre les raviolis au porcs et les chips aux crevettes. A passé soixante ans, votre éditeur a toujours cru en l’amour et au mariage, tout en rajoutant que comme avec le Père Noël, ce n’est pas parce qu’on y croit que ça fonctionne vraiment. Après un premier divorce d’une femme qui le rendait fou d’amour et fou tout court, il avait fini par rencontré une jeune d’à peine trente ans quand il en avait cinquante-sept, espérant qu’elle survivrait à sa mère à lui, pour qui critiquer les choix de son aventureux de fils était  le principal passe-temps. Mais rien ne fonctionna comme prévu. Sa jeune épouse mourut d’un crise cardiaque six mois après le mariage (et cinq jours après avoir passé un week-end avec son mari et sa belle-mère) et à ce jour, la mère de votre éditeur va bientôt passer centenaire et se porte comme un charme. Enfin, après quelques années passées en compagnie de la première femme, revenue pour un tour, votre boss et ami avait fini par se poser avec sa dernière rencontre, celle qui mange avec vous aujourd’hui dans ce petit restau de quartier.

     

    Et toute la soirée ne pouvait que continuer à se passer à merveille… si vous n’aviez pas fait l’erreur de commander pour vous un thé de jasmin. Vous adorez le thé plus encore que la nourriture, c’est dire, mais vous vous faites généralement un point d’honneur à ne jamais en commander lors de vos très nombreuses escapades dans les restaurants asiatiques. Pour une raison à la fois simple et emplie de mystères ancestraux (voilà où ils les cachaient !) : quel que soit le restaurant asiatique, lorsque vous commandez une théière de jasmin, elle ne se vide plus. Jamais. C’est comme une sorte de bénédiction mêlée de malédiction, un phénomène inexplicable de physique, de la magie sortie tout droit d’un dessin animé de Merlin l’Enchanteur… Et pourtant, de temps en temps, quand la compagnie est bonne et que vous pensez à autre chose, vous vous laissez avoir. Et vous commandez une théière de thé de jasmin. Et malgré votre expérience en la matière, votre amour de cette boisson et un certain optimisme conférant au désespoir, vous pensez que cette fois, ce sera différent. Après tout, ces théières traditionnelles sont si petites, ce n’est pas comme si elles pouvaient contenir de quoi remplir le grand aquarium qui fuit de votre voisin Michel ? Et bien si. Ainsi que deux autres aquariums de secours et le bassin d’un orque dans un parc marin. C’est à n’y rien comprendre : vous remplissez l’une après l’autres les minuscules tasses de rigueur, et si le breuvage est délicieux, il commence aussi à vous remplir plus que nécessaire. A peine avez-vous avalé une tasse que vous vous dites que cette fois-ci, ce sont les dernières… que vous vous retrouvez, trois tasses plus tard, sans avoir aperçu ne serait-ce que la première de ces foutues dernières gouttes !Ce qui explique pourquoi vous vous sentez un peu perdu dans la conversation lorsque vous revenez pour la sixième fois des toilettes en moins d’une heure.

     

    « C’est un fait, les ornithorynques sont indiscutablement ceux qui ont le plus à perdre dans cette histoire ! »  lance votre éditeur d’une voix forte tandis que vous essayez de reprendre discrètement place, un brin gêné.

     

    « Assurément ! » acquiesce la femme de votre vie. « C’est un problème ! »

     

    Et là, inévitablement, tous les regards se portent sur vous, alors que vous venez de vous remplir la bouches de nouilles chinoises avant qu’elles ne refroidissent. Vous déglutissez péniblement, l’air un peu hagard, ne sachant pas trop que dire. Lors de votre dernier départ précipité au petit coin, la conversation portait sur les conditions des travailleurs dans les fabriques textiles d’Amérique du Sud. Et alors que vous plissez le front, cherchant à faire le lien entre les textiles sud-américains et les ornithorynque ou, du moins, ce qui aura fait changer le sujet, voilà que vous vous remplissez machinalement une nouvelle tasse de thé et que vous l’avalez, manquant vous brûler la langue à un degré trop élevé pour être chiffré. Car en plus de ne jamais se vider, ces théières ont la propriété de garder le thé bouillant comme au premier jour. Aussi, la réponse que vous ânonnez d’une voix rendue pâteuse par la brûlure ne semble pas particulièrement satisfaire vos interlocuteurs. Qui ont commandé du vin, eux.

     

    Non, vous êtes véritablement face à un mystère qui vous agace autant qu’il vous fascine. Ces théières semblent reprendre ce vieux principe de fiction qui induit un contenu plus grand que le contenant, un peu comme ces maisons de contes plus grandes à l’intérieur qu’à l’extérieur. Comme si tout le thé du monde, celui déjà fait dans le passé, fait en ce moment même et à faire se retrouvait concentré dans votre minuscule théière. Et, suite logique, dans votre minuscule vessie, dont la patience moyenne équivaut grosso modo à celle d’un enfant de quatre ans interactif (inutile de dire que la disparition des entractes au cinéma n’a pas manqué de vous causer quelques problèmes. Voilà pourquoi vous refusez de boire quoi que ce soit deux heures avant la séance, vous asseyez devant le film la bouche sèche, et courrez malgré tout aux toilettes après le générique d’ouverture). Plus d’une fois, persuadé que la théière tirait ses dernières gouttes, vous avez rempli votre tasse à ras-bord, vous aspergeant les doigts de liquides bouillants et inondant la sous-tasse.  C’est un fait inexplicable, une sorte de légende urbaine qui vous poursuit dans tous les restaurants de ce type où vous mettez le pieds et vous poussant à vous demandez si toutes ces théières n’ont pas été enchantée par d’ancestrales et puissantes arcanes taoïstes (en vous demandant également pourquoi des taoïstes se seraient embêté à ça ; allez savoir…).

     

    Mais, tandis que vous revenez d’une nouvelle  visite éclair aux toilettes et que le parallèle entre les ornithorynques et ce qui est maintenant le sujet –les koalas, peluches ou bêtes vicieuses ?- vous semble plus pertinent car au moins sur le même continent, vous persistez dans votre masochisme inconscient en vous servant… miracle, ce qui semble être la fin du pot sans fond ! Le flot se tarit sous vos yeux, et sans doute que lors de la prochaine tasse, cela ne sera plus que quelques gouttes qui viendront s’écraser tristement au fond de la porcelaine… Vous avalez cette tasse, vous tournez avec un grand sourire pour répondre à quelques questions de la femme de votre éditeur, et reprenez la fameuse théière pour la voir crachoter ses dernières réserves… Et inondez carrément la moitié de la table dans un geste un peu trop empressé, brûlant votre main et noyant des vermicelles tandis que, bouche bée, vous vous demandez depuis quand le thé est sujet à la reproduction spontanée. Votre serveuse ne peut retenir un rire, mi-amusé mi-gêné, avant de dire :

     

    « Je venais de la remplir. Cadeau de la maison. »

     

    Quelque chose vous dit que la soirée ne fait encore que commencer…