Wouhou, mine de rien, j'ai atteint la page cent sur mon traitement de texte! o/ Je tiens le bon bout, je crois que je vais y arriver, cette fois-ci! -^^-
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Paul Ravert poussa un cri rauque quand la créature le percuta de plein fouet. Elle avait manqué de place dans l'encadrement de la porte, et le plafond était trop bas pour quelle bondisse, ce qui permit au soldat de réagir avec plus d'efficacité. Il avait eu le réflexe de brandir son fusil à l'horizontale devant lui, comme un bâton, ce qui lui sauva probablement la vie. Les mâchoires du monstre se refermèrent sur le métal de l'arme, et Ravert pour le repousser assez pour rester hors de portée des griffes acérées qui fouettaient l'air devant lui. Surpris du manque d'impact de son attaque et par la résistance de sa proie, le monstre refusa de lâcher la seule prise qu'il avait, et ses dents commencèrent à s'enfoncer dans l'arme. La force de sa mâchoire était phénoménale, et il s'en servait pour broyer le canon qu'elle enserrait. Bandant les muscles, Ravert essaya de lutter de son mieux, cramponné à son arme. La bête secouait sa tête ornée d'une crête dans tous les sens pour le forcer à lâcher prise, et seule l’exiguïté du lieu l'empêchait d'être projeté dans tous les sens comme un fétu de paille. Les sifflements de gorge furieux du prédateur vrillait les tympans du soldats, et il pouvait sentir de la bave chaude dégouliner sur sa main la plus basse. Paul employait toute sa force pour tenir le monstre à distance, mais il ne savait pas combien de temps encore il allait pouvoir maintenir le statu quo. A force de secouer ainsi sa prise, il avait l'impression que le monstre allait lui arracher les bras.
-Poussez-vous bon sang, poussez-vous! lui criait la voix de Ken Marsters dans son dos. Ravert l'entendait bien, mais il n'osait modifier sa position de peur de perdre l'équilibre. Si le monstre le jetait à terre, il était perdu, et il n'avait aucune envie de connaître le sort de Stuart Moore. D'un autre côté, s'il continuait de résister ainsi, il finirait inévitablement par céder, et connaîtrait de toute façon le même sort. Alors il décida de faire confiance à l'ingénieur, et il s'écarta d'un bon, laissant son arme à la merci de la créature et se plaquant contre la cloison. Le bras tendu de Kenneth se déploya dans le couloir, et le canon du pistolet que lui avait confié le major se retrouva pointé droit sur la gueule de la créature surprise. Marsters fit feu plusieurs fois, sans s'arrêter, et Ravert crut un instant que son doigt s'était coincé sur la détente. Les balles frappèrent la gueule béante de leur cible, faisant éclater des gerbes de sang et provoquant une série de cris aigus. La créature vacilla sur place quelques instants, dans une cacophonie de bruits de gorge rauques, et elle finit par s'écrouler d'un coup comme une marionnette dont on aurait coupé les fils. Son corps massif s'agita encore plusieurs secondes sur le sol, agitant piteusement bras et pattes, faisant trembler jusqu'au bout de sa queue. Quand cette dernière cessa enfin de bouger, la créature était morte.
-Je...je crois que je l'ai eue...
Les jambes de Kenneth tremblaient, et il avait mal aux bras à force de brandir l'arme, ce dont il n'avait pas l'habitude. Mais il se sentait incapable de se détendre, et il n'osait pas bouger de peur de perdre le peu de souffle qui lui restait.
-Vous avez été super, Ken. Vous avez fait du beau boulot, vous m'avez sauvé mon vieux ! Pas mal pour un simple ingénieur !
Le sourire éclatant qui illuminait le visage de Paul était sincère, et il saisit délicatement les poignets du civil entre ses mains, afin qu'il se détende.
-Vous pouvez baisser votre arme, maintenant. Je crois que vous avez dû vider tout votre chargeur, ou presque. Ce n'est pas grave, vous avez fait ce qu'il fallait.
-Je ne n'avais encore jamais été confronté à ce genre de situation... D'habitude, les relevés périodiques ne vous sautent pas au détour d'un couloir, même si j'ai connu des étudiants encore plus féroces que cette chose...
Kenneth souriait à son tour, faiblement, mais il encaissait le choc à sa manière, petit à petit. Son souffle se calmait, et il retrouvait enfin le plein contrôle conscient de ses membres. Il baissa doucement les bras, accompagnant le mouvement de Ravert, et il rangea le pistolet dans une poche de son manteau. Il contempla ses doigts, comme fasciné ; il pouvait sentir une forte odeur de poudre dans l'air, mêlée à celle, acide, du sang de la créature morte. Les détonations ne lui avaient pas semblé si fortes que ça dans le feu de l'action, mais il réalisait maintenant à quel point ses oreilles bourdonnaient.
-Vous feriez une très bonne recrue. Quelques kilos en moins, un peu d'exercice, et rien ne vous arrêterait.
-N'en rajoutez pas non plus, rit Marsters. Votre arme ?
Ravert avait arraché son fusil du cadavre du monstre, et le tenait entre ses mains, l'air député.
-Inutilisable. Ces saloperies ont de la force quand elles mordent ! Mieux vaut ça qu'un bras, en tout cas. Et il me reste mon arme de poing. Si on en croit votre prouesse, cela suffira à les faire reculer.
-S'il faut vider tout notre chargeur dessus, on ne va pas s'en sortir longtemps...
-Bah, ne minimisez pas votre acte, ni nos chances ! C'est comme les problèmes que nous affectionnons tant : il suffit de les affronter l'un après l'autre, et nous arriveront au bout. Et à propos de bout, nous devrions nous remettre en route. Mais d'abord, j'ai une question pour vous.
-Dites moi.
-Vous comptiez nous le cacher encore longtemps ?
Ravert désignait la main de Marsters. L'ingénieur avait ôté son gant pour mieux saisir son arme, et la manche de son manteau avait été relevée dans le feu de l'action. Des traînées bleues, comme des sortes de veines, couraient sur la peau. Les doigts de Kenneth se crispèrent, et il plongea aussitôt la main dans sa poche.
-Je ne pensais pas que c'était...nécessaire d'alourdir l'ambiance plus que nécessaire. Ce n'est pas important.
-Ça a commencé quand ?
-Peu après ma griffure. J'ai fait promettre au docteur Jung de ne rien dire tant que cela ne mettait pas le groupe en péril. Ça n'a pas arrêté de s'étendre depuis. Il ne peut rien faire de toute façon, alors je ne voulais inquiéter personne. Ne lui en voulez pas d'avoir tenu sa langue.
-C'est bien son genre, Sungmin ferait tout pour un patient. Les autres avant tout. La voix de Ravert s'était attendrie tandis qu'il parlait de son compagnon, puis elle retrouva tout son sérieux : Sérieusement Ken, vous auriez dû nous le dire. Nous sommes dans ce bateau -ce train, devrais-je dire- tous ensemble, vous n'avez pas à porter ce fardeau seul.
-Peut-être bien. Non, vous avez raison. Mais je n'ai jamais vraiment eu l'habitude de me confier ainsi. J'ai toujours été du genre à rester dans mon petit monde... Mais merci Paul.
-Gardez le moral, mon vieux ! Rien ne nous dit que ce qui est arrivé à Madame Miguel vous arrivera à vous aussi. Quand nous aurons retrouvé la civilisation, on trouvera le moyen d'arrêter la progression, je vous le promets.
Ravert tandis la main, et les deux hommes se serrèrent l'avant-bras, à la manière des militaires de l'Hégémonie. Kenneth se sentit curieusement honoré, et il fit de son mieux pour afficher un air optimiste. En réalité, il avait l'impression d'avoir été condamné au moment où cette bête l'avait blessé. Il pouvait sentir ce mal progresser à l'intérieur de lui, comme si chaque cellule de son corps finissait par se faire dévorer. Il faisait tout son possible pour tenir la douleur à l'écart, pour garder la maîtrise de lui-même. Mais les encouragements de Ravert lui faisaient du bien, et il n'avait aucune envie de doucher ses certitudes. Même si tout au fond de lui, Kenneth avait accepté cette mission parce qu'il n'estimait plus avoir grand chose à perdre, de toute façon. Et il était bien décidé à faire tout son possible pour aider les autres passagers. Il se sentait investi d'une mission, et il s'agissait d'une mission qui comptait plus que tout.
-Alors, on y va ? fit-il, l'air décidé. Ravert lui lâcha le bras, puis hocha la tête.
-Passer devant, je vérifie derrière nous. On...
Le silence se fit soudain, et Marsters sut que quelque chose n'allait pas sans même avoir besoin de tourner la tête. Il le fit néanmoins, pour découvrir le visage blême du soldat, qui fixait un des colis du wagon de marchandises qu'ils venaient de traverser. Le conteneur s'était renversé, sans-doute lors de l'arrêt forcé ou bousculé par une des créatures qui rôdaient à l'intérieur. Il s'agissait de plusieurs petits boîtiers noirs, semblables à des balises classiques. Si ce n'était celle qui clignotait d'une sinistre lueur rouge.
-Bon sang, poussez-vous !
Joignant le geste à la parole, Ravert poussa Marsters en avant, à travers le passage qui séparait le wagon. Et avant que Kenneth ne puisse lui demander ce qui se passait, Ravert poussait la porte derrière l'ingénieur, les séparant. Parce que Paul Ravert savait que sans la porte pour couper la route à ce qui allait suivre, tous deux n'arriveraient pas à courir assez loin pour se mettre à l'abri.
-Sungmin, murmura le soldat, avant de fermer la porte pour de bon sans répondre aux interrogations étonnées de Kenneth Marsters. Le soldat ferma les yeux, et sa dernière pensée fut pour son plus fidèle compagnon, le médecin au grand cœur qu'il avait rencontré pour ne plus jamais le quitter. Le wagon explosa, tuant instantanément Paul Ravert et, de l'autre côté de la porte, Kenneth Marsters poussa poussa un long cri.