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Plume de Renard - Page 30

  • Game of Thrones. Mais bourrés.

    Non parce que bon, à force de jouer aux jeu des trônes, faut bien se détendre! Bref, tout cela est parti d'un délire (né justement à la suite d'une soirée à remater des épisodes de la série avec le drinking game qui va bien) où on a brièvement évoqué ce que pourrait donner une rencontre entre Tywin et Stannis. Et de fil en aiguille, on s'est demandés comment ils seraient, eux, s'ils étaient bourrés. Et du coup, là tout de suite j'ai pas résisté, fallait que j'écrive un truc dessus! Ce qui est chouette, parce que j'écris bien peu ces derniers temps. Oh, et quand je pense que ce que l'on peut considérer comme une de mes premières incursions dans le monde la fan-finction consiste à faire se rencontrer bourrés Stannis et Tywin... Je n'ose pas imaginer la suite! XD

    Bref, voici la chose, donc:

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    "-Moi j'dis... moi j'dis qu'on n'a pas une vie facile, quand même.

    Tywin Lannister ponctua sa phrase en frappant la table de son gobelet d'étain désormais vide, ce qui le rendit plutôt triste. En plus, il n'était même pas en or. Quelque chose lui disait qu'un Lannister se devait de boire dans un verre en or, ou du moins c'était là ce qu'on attendait de lui. On attendait décidément de lui beaucoup de choses. Qu'ils attendant. Pour l'heure, il allait s'en resservir un petit. Il claqua des doigts, et la petite silhouette de son échanson se précipita pour remplir le verre.

    -Hééé, m'oublie pas, petite !

    Assis en face de Tywin, Stannis Baratheon voulut claquer des doigts, mais il ne réussit qu'à les frotter l'un contre l'autre sans un bruit, et s'y reprit plusieurs fois, sans le moindre succès. D'un geste maladroit, il se saisit néanmoins de son verre une fois celui-ci réapprovisionné, et son esprit d'ordinaire si acérée dut lutter pour reprendre le fil de la conversation.

    -Non, pas une vie facile, c'clair, confirma-t-il entre deux gorgées. Pourtant, c'est nous qui nous tapons tout l'boulot, parfaitement. Ah ça, pour parler et comploter, ils sont forts, les gens, mais pour agir, ça non. Sont pas doués.

    -Pas doués, répéta Tywin, lui même un peu hébété. Il n'avait jamais été hébété, avant ; c'était là une sensation fascinante. Au moins aussi fascinante que les délicates particules de poussières qui dansaient dans l'obscurité, illuminés par la lueur de la lune qui filtrait à travers le verre épais des fenêtres du grand hall. Tywin se sentait d'humeur poète, ce qui ne lui était pas coutumier non plus. Il eut l'impression que la lune lui adressa un clin d’œil et ça non plus, ce n'était pas normal. Bah, rien qu'une nouvelle lampée ne changerait pas !

    -Nan, pa'c'que bon, hein, t'vois, faut bien que des gus comme nous prennent des décisions ! Et quand un gus comme nous prend une décision, et ben les gens, y n'sont jamais contents. Ils râlent tout le temps, les gens, d'abord. Fichue populace.

    -Ah, le peuple... Tywin grimaça. Me parle pas du peuple. Les petites gens, c'est rien que des emmerdeurs, si tu veux mon avis !

    -Ce sont, le corrigea Stannis. Tout l'alcool du monde ne le détournerait pas du droit chemin de la grammaire. Il voulut froncer les sourcils d'un air sévère, ne réussit qu'à plisser le droit, et s'en contenta, ce qui lui contribua à lui tourner le visage de travers. Ce qui ne changea pas grand chose pour son interlocuteur, pour qui le monde avait basculé trois verres auparavant. Il n'osait pas tourner la tête, des fois qu'il se retrouverait au plafond.

    -Oh, me casse pas les noix, j'dis c'que j'veux. J'nique la grammaire, parfaitement. J'la rachète la grammaire, si j'veux, et j'la change, ouais. Chuis un Lannister, j'en ai les moyens !

    -J'aime bien ça moi, les noix, lança Stannis d'un air rêveur. Et malgré le silence qui régna soudain dans la salle, il ne put s'empêcher de continuer sur sa lancée : J'ai toujours préféré ça au reste. Les noix, y a qu'ça de vrai. On dit qu'les abricots c'est meilleur mais en vrai, j'ai jamais pu piffer ça, les abricots. J'fais semblant pour plaire à ma femme. Hein qu'c'est dégulu..dégeul...pas bon les abricots, Davos ?

    Ser Davos Mervault n'avait manifestement aucune envie d'être appelé à témoin sur ce point précis de la conversation, et ne sut plus ou se mettre devant les regards intrigués qui s'étaient tournés vers lui et Stannis suite à cette histoire de noix. Il avait passé sa soirée à tenir la chandelle entre les deux seigneurs, et il se demandait tristement si la situation pouvait être pire.

    -Les noix c'du solide, c'dure ! On peut compter sur les noix, comme j'ai toujours compté sur Davos !

    Visiblement, elle pouvait l'être. Pire, donc. Le chevalier aux oignons se maudit intérieurement une énième fois pour avoir proposé le premier toast. Il s'était dit que l'alcool délierait un peu les langues des deux hommes. Trop fiers pour céder face à l'autre, ils avaient passé les trois premières heures de la réunion à se regarder dans le bleu des yeux. Dommage qu'aucun n'ait de barbichette, s'était dit Davos. Quoi qu'il en soit, les premiers verres avaient donné naissance aux seconds et, depuis, disons qu'il y avait eu beaucoup de seconds. Les deux seigneurs avaient manifestement besoin de ventiler. Le poids des responsabilités avait dû finir par craqueler leur armure. Quelque chose comme ça. Davos chercha désespérément de l'aide du regard, mais personne dans l'assemblée n'oserait intervenir. L'échanson haussa les épaules.

    -C'là qu'tu t'gourres, mon pote ! reprit Tywin avec vigueur. Faut compter sur personne, Stan ; je peux t'appeler Stan ?

    -Comme tu veux Titi.

    -Super. Donc t'vois Stan, tu peux compter sur personne. Quand tu fais confiance aux gens, ben ils finissent toujours par te planter un dos dans le couteau.

    -Ça doit faire mal. Mais Davos, il a même pas de couteau, je risque rien. Qu'est-ce qu'il ferait, il essaieraient de me poinçonner avec un oignon ? Har har har !

    Davos dut lutter pour ne pas rouler des yeux. Il n'aimait pas vraiment voir son seigneur dans cet état mais, à cet instant précis, disons que s'il avait eu un oignon sous la main, il n'aurait sans-doute pas hésité à l'enfoncer dans la bouche de Stannis histoire de limiter les dégâts.

    -De toute façon, même avec un couteau, j'pense pas que j'risquerais grand chose, faut dire que Davos, y manque un peu...de doigté, si tu vois c'que j'veux dire !

    Tywin et lui s'esclaffèrent de bon cœur, tandis que Davos se renfrogna d'autant plus.

    -Allons mon Dada, c'juste une blague ! Stannis voulut lui flanquer une tape dans le dos, manqua sa cible, et se demanda lequel des jumeaux de son homme de main était le vrai. J'déconne, quoi, pa'c'que t'es mon seul copain, en fait.

    Les yeux bleus du Baratheon s'embrumèrent de larmes, et il réussit à saisir le col de Mervault, lui soufflant une haleine débordante d'amour et de bon vin au visage.

    -Hein qu't'es mon seul pote ? Déjà tout petit, personne y voulait jamais jouer avec moi...

    -J'ai jamais joué, moi. Jouer, c'pour les faibles ! Tywin frappa la table de son poing pour ponctuer son affirmation. Même mes gosses, j'les ai toujours empêcher de jouer ensemble, pour pas qu'ils deviennent mous.

    -Ça en a pas empêché certains de fricoter, si tu vois c'que j'veux dire.

    -T'vas trop loin, là !

    Tywin se jeta en travers de la table, balayant les assiettes et les gobelets sur son passage. Il glissa sur quelques mètres de bois solides avant d'atteindre sa cible assise à l'autre bout, et tous deux basculèrent sur le sol dans un fracas de chaises renversées. Ils roulèrent quelques secondes sur la pierre, amalgame pathétique de bras et de jambes. Enfin, ils finirent par se séparer et restèrent coucher sur le dos, haletant, à contempler le haut plafond.

    -Suis désolé, mais j'aime pas ça, on me ressort toujours la même histoire...

    -Y a pas d'mal... Mais y a qu'la vérité qui baise. Qui blesse. J'veux dire qui blesse.

    -Qu'est-c'qu'j'y peux moi, si y en a un qui tronche sa sœur dans les bestibules !

    -Vestibules.

    -Oh, ta gueule !

    -Te plains pas quoi, au moins tes gosses sont pas des dégénérés. T'as déjà vu la tronche de ma fille ?

    -Non.

    -Bah moi non plus, elle est cachée derrière la mocheté. Elle est comme sa mère celle-là. J'suis sûre que ça sera une grosse frigide.

    -C'peut pas être si terrible.

    -On voit qu'tu connais pas ma femme !

    -T'as p'têt' un nain comme fils, toi, hein ? Non, alors ta gueule !

    -Boh, il est très bien le p'tit Tyrion.

    -C'pas faux, c'pas faux. En fait, c'est l'plus futé des trois, j'le jure. Et...et j'réalise que j'lui ai jamais dit.

    La voix de Tywin se brisa dans un sanglot étouffé, et les deux hommes s'assirent maladroitement avant de se tomber dans les bras.

    -Allons, allons, j'suis sûr qu'il le sait, ton gamin !

    -J'lui mène la vie dure, c'pour son bien, t'sais !

    -Mais oui mais oui, aller, une petite moumouche, ça te fera du bien ! Faut vider son sac !

    -Merci, c'est gentil.

    -Erk, pas dans ma tunique, c'est pas hygini...hiagin..c'pas propre, quoi !

    -Snirfl. Pardon.

    Tywin s'essuya le nez d'un revers de manche, et ils s'appuyèrent l'un sur l'autre pour essayer de se relever. Davos dut venir à leur aide, et les deux hommes s'agrippèrent à Mervault, qui dut demander l'aide adroite de l'échanson pour les remettre sur leurs sièges. Ils en profitèrent immédiatement pour redemander à boire, et la petite domestique officia avec rapidité et efficacité. Davos, lui, poussa un profond soupir, et sirota son lait de chèvre. Stannis l'avait bombardé capitaine de soirée une heure plus tôt, prétextant que comme bon, c'tait déjà un cap'taine, t'vois, ben c'tait logique, t'vois, tu fermes ta gueule et tu fais pas chier.

    -C'est ça l'truc, on prend toutes les décisions difficiles, et le reste du monde nous le reproche.

    -Y fait chier, le reste du monde. J'y chie dessus, tiens, au reste du monde ! Y serait bien dans la merde, sans nous, le reste du monde!

    -Bah techniquement, si tu lui chies dessus, il pourra pas vraiment faire autrement.

    -T'vois c'que j'veux dire...marmonna Tywin, qui se sentait tout de même un peu mal à l'aise. Ces histoires d'excréments lui rappelait qu'il était un peu constipé ces derniers temps, et il se demandait ce qui allait bien finir par lui relâcher les boyaux. C'que j'veux dire, c'est qu'on passe pour les méchants, alors qu'on veut juste mettre de l'ordre, faut bien faire tourner la boutique.

    -Ouais, l'ordre, c'est important, renchérit Stannis, enthousiaste, avant de se rembrunir aussi sec que le demi qu'il venait de s'envoyer d'un coup. Il rota bruyamment.

    -Santé ! C'clair. Sans nous, ce serait le bordel. Heureusement qu'on a les couilles de les prendre, les décisions difficiles, parfaitement !

    -Ouais, r'fait'ment ! Et du coup, comme on réussit dans la vie, ben les gens, ils sont jaloux. Alors ils nous en veulent, ils compotent...

    -Complotent. J'crois que tu veux dire qu'ils complotent.

    -Ouais, c'pareil. Puis Stannis s'interrompit soudain, l’œil gourmand : le vin lui donnait faim : c'bon ça, la compote.

    -Laisse moi deviner, aux noix ? Tywin lança un clin d’œil à Davos, qui ne trouva pas ça drôle. Heureusement, Tywin revint bien vite sur le sujet qui le préoccupait. De toute façon, les comploteurs, les traîtres, j'les repères tout d'suite moi ! J'ai l’œil, j'ai du nez ! Les espions, les planqués, les déguisés... Y en a pas un qui me passerait devant le pif sans que je le coince tout de suite, j'sais tout, j'suis rusé comme un renard !

    Dans le même temps, il tapota l'épaule de l'échanson, et Arya Stark lui remplit une fois de plus son verre.

    -T'sûr ? Ils sont doués les espions, des fois. Varys par exemple, il est toujours planqué partout !

    -Partout ? En même temps tu veux dire ? Il est super fort !

    -Nan mais c'est une métaphore ! C'que j'veux dire, c'est que si y a un type qui s'cache derrière la plante en pot, c'est lui, à coup sûr !

    -Qu'est-c'tu crois ? T'es Varys déguisé, hein ? Avoue, lâche ! Tywin commença à tirer sur les cheveux de la gamine, qui réussit à étouffer un petit cri. Nan, c'pas une perruque. T'vois, tout est dans l'pif, j'te dis ! Le Lannister se tapota l'aile du nez.

    -Bon, c'pas tout ça, mais j'ai soif, moi !

    -Ouais, moi aussi !

    -A boire !

    Et une fois leurs gobelets remplis, ils reprirent :

    -Bon, où c'est qu'on en était, déjà ?

    -Nan, c'est «Où est-ce qu'on en était », d'abord...

    De son coté, Davos poussa un profond soupir : la nuit allait être longue..."

  • Le surréalisme de De Niro

    Tiens, ça faisait longtemps. Non, pas de Lucie ni d'historiette, aujourd'hui. Juste une tranche de vie, que j'ai eu envie de poser par écrit. Parce qu'il y a des jours comme ça.

     

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    Il fait plutôt frais tandis que vous rejoignez l'arrêt de bus sur une route peu fréquentée. Le froid ambiant ne vous dérange pas, il vous est même agréable, ravivant votre esprit encore un peu embrumé par votre nuit à l'horaire inhabituel. Vous rentrez d'une partie endiablée de jeu de rôles qui ne s'est terminée que quelques courtes heures avant l'aube, et c'est des souvenirs plein la tête que vous avez pris le chemin de la maison. Vous êtes encore plongé en plein dans cette fantastique ambiance, ce qui contribue grandement à améliorer votre humeur, guère au beau fixe ces derniers jours. Mais cette partie grandiose en bonne compagnie vous a redonné de l'énergie et a permis d'écarter momentanément les peines qui vous minent. L'espace d'une soirée, d'une nuit, vous vous êtes senti incroyablement vivant, entouré de tout ce monde, partageant avec eux un tel moment d'exception. Vous remettre ainsi au jeu de rôles, il faut dire que c'est ce qui vous a réussi le mieux ces derniers temps; à vrai dire, c'est sans-doute en ce moment la seule occupation qui vous permet réellement de vous sentir mieux, étreint comme vous êtes par cet impérieux besoin d'évasion mais aussi de contact humain. Et comme vous n'êtes pas assez courageux ou débrouillard pour vous évader en solitaires vers l'une des destinations qui vous font rêver, et que vous n'êtes pas toujours très doué pour interagir correctement avec les gens, vous avez trouvé de quoi vous sentir un peu mieux à votre manière.

     

    Les mains dans les poches, les écouteurs dans les oreilles, vous réalisez que vous n'êtes pas seul à l'arrêt de bus. Un homme attend déjà, debout, en train de fumer une cigarette. Vous vous rembrunissez, soudain avide de cette solitude sauvage à laquelle vous aspirez dans ce genre de situation. Vous hésitez à vous rapprocher, et même à vous asseoir sur le banc. Une canette de bière est posée au bout de celui-ci, appartenant sans nul doute à l'homme qui se trouve là. Vêtu d'un manteau qui a connu des jours meilleurs, il semble presque aussi usé que son vêtement. Un chapeau à large rebords coiffe de longs cheveux filasses, et une barbe du même acabit déploie une rousseur tirant sur le gris et le blanc sous son menton. Le mot « marginal » s'impose à votre esprit, comme né d'un préjugé social profondément ancré auquel vous n'échappez pas plus que quiconque. Ce qui ne vous empêche pas de trouver un tel sentiment finalement bien dérisoire, surtout quand vous vous demandez dans quelle catégorie la personne en face de vous va vous ranger de son côté. Dans un monde comme celui-ci, où les interactions des gens de passages n'existent souvent plus que pour s'écourter, tout le monde doit être le marginal de quelqu'un. Au final, le malaise qui vous prend face à cet inconnu-ci est le même malaise qui vous prend face à n'importe quel autre inconnu : vous ne savez pas vraiment comment réagir devant quelqu'un que vous ne connaissez pas. Votre aisance sociale naturelle, on le sait, est digne de celle d'un tabouret, et les conversations dont le seul but est de briser la glace entre deux inconnus de passage vous plonge toujours dans une grande perplexité. Elle ne vous panique plus comme elle faisait auparavant, mais il vous arrive encore de bloquer quand on vous parle du temps qu'il fait ou qu'on vous pose la plus banale des questions, comme un programme d'ordinateur qui se retrouve sans code adéquat pour réagir.

     

    Vous vous fendez finalement de l'équivalent mental d'un haussement d'épaule et, prenant votre bonne volonté et votre courage à deux mains, vous allez malgré tout vous asseoir sur le banc. Il y a encore quelques minutes à attendre avant que le bus de l'heure ne passe, et le jeu de rôles est un loisir qui pèse lourd dans le sac que vous portez sur le dos. Les écouteurs toujours dans les oreilles, vous sortez un livre de votre autre sac. Le petit, celui que vous portez en bandoulière mais qui n'est pas des plus légers non plus quand on sait que vous y entreposez généralement assez de livres pour vous donner la possibilité du choix de genre à tout instant, et pour vous permettre de tenir longtemps avec de quoi vous occuper l'esprit, des fois que vous vous retrouviez coincé perdu au milieu de nulle part, dans un train en panne, ou si la fin du monde devait survenir avant que vous ne rentriez chez vous pour retrouver votre bibliothèque. Être toujours préparé -à l'excès- d'un point de vue littéraire, c'est une manie que vous tenez de votre mère. Vous optez pour un bouquin de votre auteur favori, lu plus d'une fois, mais dont vous savez qu'il vous changera les idées. Il y a de ces livres -surtout de l'auteur en question- que vous aimez lire et relire sans jamais vous lasser ; vous avez un peu l'impression de retrouver un vieil ami à chaque fois, rassuré et apaisé par les mots familiers et acérés, qui ne perdent jamais de leur éclat.

     

    Vous tournez une page ou deux, et ce qui ne devait pas manquer d'arriver arriva ; vous l'avez su dès que vous avez pris place : l'homme, qui s'est assis à côté de vous, finit par vous adresser la parole. Vous échangez tout d'abord un simple bonjour, plutôt gêné de votre part, avant que le silence social ne reprenne ses droits. Mais vous savez que cela ne va pas s'arrêter là. Vous le sentez. C'est une de ces personnes qui a besoin de combler le silence, de parler à ses semblables plutôt que de rester là à faire comme s'ils n'étaient qu'un vague personnage de plus sur la fresque immobile du monde que chacun traverse.

     

    -Qu'est-ce que vous lisez ?

     

    La question ne vous surprend pas, c'est celle que se sent obligée de demander toute personne qui engage la conversation avec quelqu'un qui lit. Une question tout à fait normale vu les circonstances, vous devez en convenir, et tout de même bien plus passionnante que de commencer à parler de la pluie et du beau temps. Les gens devraient se balader plus souvent avec des livres, cela rendrait les amorces de conversations bien plus aisées et, qui sait, plus intéressantes. Homme de peu de mot que vous êtes, vous faites comme à chaque fois qu'on vous demande ce que vous lisez : vous tendez le livre à la personne, qu'elle puisse elle-même prendre connaissance du titre et juger de la couverture. L'homme prend le temps de l'observer, plus longuement que ne le feraient la plupart des gens, et il avoue ne pas connaître. Il enchaîne en vous demandant si c'est bien, et vous balbutiez une réponse fragmentaire, parce que les mots ont toujours de la peine à sortir et à s'ordonner dans ce genre de situation ; c'est comme si vous aviez peur de livrer à un inconnu une part de vous même qu'il aura alors tout le loisir de percer au crible afin d'en tirer le plus de matière possible à tirer en dérision. Stupide, vous le savez bien, mais c'est ainsi que vous fonctionnez. Vous finissez par lui donner quelques informations saccadées : c'est un livre de fantaisie ; c'est plutôt drôle ; c'est écrit par un anglais, ce genre de chose. L'intérêt de l'homme est discret, mais semble plus sincère que poli. Vous avez ôté un écouteur d'une de vos oreilles, histoire de mieux entendre ce qu'on vous dit, et vous ne tardez pas à enlever le second quand il s'avère manifeste que votre interlocuteur n'aura pas terminé d'en être un avant que le bus n'arrive. Vous rendez les armes, et attendez encore de voir si vous allez devoir prendre votre mal en patience en vous sentant vaguement mal à l'aise, ou si les minutes suivantes vont finir par prendre une tournure plus inattendue. Ce qui n'est pas inattendu, par contre, c'est ce que l'homme vous demande ensuite :

     

    « Je m'excuse de vous demander ça, mais je dois prendre le bus dans l'autre sens, et il me manque les trois francs... »

     

    Ah. Ça y est. Vous n'êtes effectivement pas étonné du tout, sans doute victime une fois de plus du même préjugé social. Et cette constatation vous rend plus mal à l'aise que le reste. Vous sortez votre pore-monnaie et commencez à fouiller dans vos pièces, lui assurant que vous allez voir ce que vous pouvez faire. Vous avez généralement l'habitude, en ville, de continuer votre chemin sans vous arrêter lorsqu'un passant vous interpelle pour « Trois francs s'vous plaît ! », parce que le temps et les habitudes ont ce genre d'effet, et que vous avez longtemps lutté pour en arriver là. Enfant, et même plus grand, vous étiez du genre à vouloir déposer une pièce ou deux dans chaque chapeau, dans chaque gobelet, à accorder de l'attention à chaque histoire. Et puis vous avez appris qu'on ne pouvait toujours y croire, et vous avez fini par faire comme tout le monde. Et puis bon, vos pièces, vous en avez besoin pour prendre vos bus. Là encore, cette pensée triviale fait surgir en vous un pointe de culpabilité, qui trouve ses racines dans la grosse partie de votre naïveté innée que vous avez dû laisser derrière vous au fil des ans, un peu comme des morceaux de vous-mêmes abandonnés dans votre sillage. Alors aujourd'hui, maintenant, vous fouillez dans votre porte-monnaie parce que cela vous paraît plus facile que de discuter, et parce que c'est comme ça, voilà tout. Cette fois-ci, vous n'avez pas envie de poser de questions. Vous passez trop de temps à vous poser des questions ces derniers temps, des questions qui vous effraient et vous font mal, et vous avez de trouver du réconfort dans le fait de sortir trois pièces pour un inconnu sas même vouloir se demander si son excuse est vraie Aujourd'hui, ça n'a aucune importance. L'homme accepte respectueusement votre offrande, sans avidité, et vous remercie avec gentillesse. Il a l'air un peu surpris d'avoir obtenu son argent aussi facilement. En ce qui vous concerne voilà qui est fait, et vous êtes prêt à passer à autre chose. Vous vous apprêtez à rouvrir votre bouquin quand l'homme reprend la parole. Et non pas pour vous demander « hé mec, tu peux pas encore me filer cinq balles, j'vois qu't'as des pièces, et tout ».

     

    -Dans la fantaisie, si vous aimez ça, je vous conseille vraiment Silverberg. Robert Silverberg. Il a écrit des romans assez incroyables dans ce genre.

     

    Ça alors, vous n'auriez jamais pensé à vous retrouver en train de parler de Silverberg aujourd'hui, à cet arrêt de bus, avec cet inconnu. Vous avouez n'avoir jamais lu de Silverberg et ne le connaître que de nom, et l'autre continue, avec une animation tranquille mais sincère :

     

    -Un très bon auteur, qui sait faire de belles histoires. Il y a de bonnes pistes dedans. C'est comme les romans d'anticipation, dans un autre genre du fantastique, qui me plaisent bien aussi. Toutes ces histoires, tous ces thèmes, ça fait gamberger, ça permet de réfléchir, de donner des pistes. Je suis écrivain, alors je cherche toujours l'inspiration. Vous êtes étudiant, à l'uni ? 

     

    Interdit, vous ne savez pas quoi répondre. Vous ne savez jamais quoi répondre quand on vous demande ce que vous faites dans la vie et, même si essayez de ne pas trop vous l'avouez, vous savez que c'est parce que ne vous faites rien. Et même si ce n'est pas par choix, ça ne vous rend pas forcément plus à l'aise à l'idée d'en parler. Plus maintenant en tout cas, plus depuis la dernière fois que vous vous êtes ouvert. Vous balbutiez à nouveau, disant que vous étiez déjà passé à l'université -techniquement, vous y avez effectivement mis les pieds une fois ou l'autre, mais ce pieux mensonge ne contribue pas à vous le faire avaler- mais que vous n'y êtes jamais resté pour raison de santé. Et que maintenant, vous ne savez pas ce que vous allez faire. Ces derniers points sont véridiques, mais vous auriez pu mentir pour de bon et vous inventer une folle carrière que vous ne vous seriez certainement pas senti mieux.

     

    -C'est important de ne pas faire quelque chose qu'on aime pas, en tout cas, reprend l'homme, nullement déstabilisé par votre trouble. Sinon on se retrouve coincé, et ça ne donne rien de bon. J'en ai écrit des livres dans ma vie, mais d'une manière ou d'une autre, on a fini par me coincer de toute façon. A mon âge, on m'a déjà mis dans EMS. Il ne se passe plus rien, j'essaie d'en sortir comme je peux, de trouver le moyen.

     

    Quand il parle, vous pouvez sentir chez lui une certaine candeur ; vous ne pouvez juger de la véracité de chacun de ses dires -et vous vous dites avec ironie qu'il en irait de même pour les vôtres- mais vous savez que les épreuves et la souffrance ont été réelles et se traduisent dans sa voix posée, polie. Cela se lit dans son visage, dans ses rides, dans la couleur passée de sa barbe et de ses cheveux et dans ses yeux, incroyablement clairs. Quelque part, vous vous sentez plus à l'aise avec cet inconnu-ci qu'avec la plupart des inconnus de passage qui ont jalonnée votre vie. Il semble vous observer aussi, parce qu'il vous dit ensuite quelque chose pour le coup de parfaitement inattendu, qui laissera à jamais dans votre mémoire quelque chose de surréel :

     

    -On vous a déjà dit que vous aviez les yeux de De Niro ? Devant votre air surpris façon poisson hors de l'eau, il continue toujours sur le même ton tranquille. Dans le regard surtout. Enfin, De Niro jeune. Il y a quelque chose.

     

    Il vous sourit, et vous restez silencieux, en train de vous demander si cette conversation est vraiment en train de se passer. Ça, on ne vous l'avait jamais faite. Mais vous n'êtes pas au bout de vos surprises quand il enchaîne soudain :

     

    -Vous avez une petite amie ?

     

    Là encore, vous ne savez pas quoi répondre. Non pas parce que la réponse vous échappe, mais parce que la surprise et De Niro vous empêchent de la formuler. Et sans doute aussi parce que votre cœur se brise soudainement alors que vous pensez à elle. Vous pensiez que c'était déjà fait, que les morceaux étaient déjà tombés, mais il semblerait que ce soit au milieu de nulle part, sur ce banc, à cet arrêt de bus, qu'il se brise encore. C'est une boîte de Pandore dans votre poitrine qui s'ouvre, et vous tremblez sans-doute sous le choc ; ou à cause du froid. Car vous avez froid depuis, vous qui n'avez jamais été frileux. Tout ça se déroule en une fraction de seconde et en mille ans à la fois, mais vous finissez par répondre à la question de l'homme, à lui répondre que non. Et quand vous prononcez ce mot, la réalité s'écroule autour de vous. Elle a dû se reconstruire depuis, parce que l'homme est toujours là, et ne manque pas de réagir. Il a l'air profondément surpris par votre réponse, et vous regarde d'un air incrédule. Quelque part, aussi bizarre que cela puisse paraître, le fait qu'il semble trouver cet état de chose aussi incroyable contribue un tout petit peu à vous remonter le moral. Vous aussi, vous trouvez que c'est un état de chose qui ne devrait pas être.

     

    -C'est important, d'avoir une petite amie. Il le faut. Moi ça fait dix ans... Les neuroleptiques ont fini par me rendre impuissant, alors depuis j'ai dû faire avec.

     

    En temps normal, ce genre de sujet vous aurait fait rougir jusqu'aux oreilles et vous aurait rendu incroyablement mal à l'aise. Mais avec toutes les émotions qui s'agitent en vous, cela vous paraît dérisoire d'être gêné de quoi que ce soit. D'autant que votre homme au chapeau se lance aussitôt dans une diatribe sur le danger des neuroleptiques, dont les effets secondaires font d'eux de véritables poisons. Bien sûr, pour stopper une crise psychotique, ça peut aider, mais les gens continuent de les prendre ensuite, mais ça ne les aide plus, les effets sont trop négatifs... Mais un jour -un jour!- on s'en rendra compte, et on cherchera enfin une autre solution. Et comme le sujet semble lui tenir assez à cœur pour qu'il n'ait nullement besoin de votre apport pour continuer la conversation, vous le laissez parler et vous contentez de l'écouter en hochant la tête de temps en temps. Vous n'avez pas spécialement envie de vous lancer dans un débat sur les neuroleptiques, occupés que vous êtes à faire le tri des émotions qui s'agitent en vous. Confus, vous vous demandez ce que De Niro et son regard feraient à votre place.

     

    -Je suis en train d'écrire une nouvelle, là-dessus. L'impuissance, les médicaments, ce que ça entraîne dans une vie.

     

    Vous conservez votre intérêt quant à son discours, et vous vous demandez tout à coup si vous ne devriez pas lui dire que, vous aussi, vous aimeriez écrire. Quelque chose. Trouver de quoi parler, pour de bon. Vous hésitez, bloqué par vos inhibitions naturelles, mais sur le point de parler avec cet homme là des facettes de l'écriture qui vous intriguent et vous inquiètent que vous n'avez que rarement partagées avec autrui. Mais un bruit de moteur se fait entendre, et c'est votre bus qui arrive. Votre congénère d'un banc, un jour, ira dans l'autre sens plus tard, si vous ne doutez pas de ses dires. Vous vous levez, il fait de même :

     

    -Allez, je vais vous laisser aller. Tout de bon. Vous trouverez bien.

     

    Il ôte le gant de sa main droite et vous la tend. Vous la serrez, en lui rendant son sourire.

     

    -Bonne chance, dites-vous, sincère. Vous espérez vraiment que qui que ce soit cet homme, la chance le trouvera.

     

    -A vous aussi. Merci encore. Au revoir, répond-il.

     

    Vous n'êtes plus sûr qu'il s'agit là des derniers mots exacts. Vous supposez qu'il s'agit de quelque chose du genre. Vous pénétrez dans le bus d'un air absent, et achetez votre billet. Quand le bus démarre, vous prenez place à l'arrière et voyez l'homme debout, toujours à l'arrêt, son chapeau sur la tête, avec ses histoires de nouvelles, de neuroleptiques, de choix et de petites amies. Quel qu'il soit, le moment est terminé. Il ne vous reste qu'à rentrez chez vous, seul.

     

    Et cette idée ne vous a que rarement paru aussi étrange. Et quelque part, quand vous songez à l'univers et à ses derniers exploits, curieusement dérisoire. Au moins, il vous reste votre bouquin ; le reste du trajet, c'est chez lui que vous rentrez. Le reste peut bien attendre quelques pages.

     

  • Lucie 61

    Mine de rien, ça continue!

     

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    -Est-ce que tu regrettes, parfois ?

    -Hein ?

    Le caporal Velázquez leva la tête du petit livre qu'il était en train de lire à la mince lueur du mini-projecteur qui faisait partie du paquetage militaire de l'escouade. L'engin était réglé au minimum afin d'économiser son énergie. Les deux soldats de veille étaient installés dans le petit espace entre le wagon des passagers et le suivant. Les portes fermées, ils pouvaient discuter sans craindre de réveiller les dormeurs, et rien ne risquait de leur échapper. Quiconque voulait rejoindre l'avant du train les trouverait sur son chemin. Ce qui n'enchantait pas particulièrement Velázquez lorsqu'il songeait aux intrus plutôt voraces qui rôdaient plus loin, mais il n'en était pas moins prêt à faire son devoir. Et puis il l'effectuait en bonne compagnie...

    -De t'être engagé, je veux dire. Est-ce que tu le regrettes ? reprit le caporal Samantha Jones.

    -L'uniforme est un peu vieillot, mais il conserve une certaine prestance.

    -Sérieusement, Monty.

    -Sérieusement ?

    André Ladislas Montauban Velázquez glissa un marque-page dans son livre, qu'il rangea soigneusement dans sa poche. Sa collègue était la seule dans leur petit groupe qui l'appelait par ce surnom qui, coïncidence étrange, était le même que lui donnait sa famille. Et c'est en songeant à cette dernière qu'il sut quelle serait sa réponse :

    -Non, pas vraiment. J'ai beaucoup de regrets, ça va de pair avec ma fascinante personnalité, mais je suis très content d'être là où je suis plutôt que d'être coincé au domaine Velázquez.

    -Tu en parles toujours comme si tu avais fait la guerre... Le fameux domaine Velázquez, ça ne pouvait pas être si terrible. Ça ne m'aurait pas dérangé, en tout cas.

    -Crois moi Sam, si tu avais été à ma place, tu aurais très vite compris qu'il s'agissait effectivement d'une sorte de guerre. Le conflit, c'est la seule chose que mes parents comprennent, comme leurs parents avant eux.

    -Je suis sûre que je m'en serais très bien tirée : je suis facile à vivre, moi.

    -Je veux bien admettre qu'il y a deux ou trois trucs qui me manquent, mais je ne reviendrais pas en arrière. Même perdu à la surface, dans un train qui prend de plus en plus les courants d'air. Non, vraiment, tu ne trouves pas qu'on se les gèle de plus en plus ?

    Velázquez s'emmitoufla plus profondément dans sa couverture, et décida de renfiler les gants qu'il avait ôtés pour lire.

    -Tu as toujours été frileux. Mais Grümman nous a dit que le train devait dériver de l'énergie pour rester fonctionnel. Le seul véritable chauffage qui reste est celui du wagon des passagers.

    -C'est une des choses pour lesquelles je ne regrette rien, tu sais. Protéger des gens comme eux.

    Si Samantha en fut surprise, elle ne le montra pas. Mais elle sourit ; elle ne dit rien, laissant l'autre caporal continuer sur sa lancée.

    -Je veux dire... Je sais bien que ce n'est pas comme si on était en plein conflit, mais s'il devait un jour se produire quelque chose de grave, c'est une bonne chose qu'il y ait des gens pour protéger ceux qui en ont besoin. Et je suis content de faire partie de ces gens-là. J'en suis fier. Je suis plus utile ici qu'au domaine de mes parents, et j'en suis plus fier de tout ce que j'ai pu faire par le passé. Alors non, pas de regrets. D'autant qu'aujourd'hui, on a vraiment besoin de nous.

    -Tu crois que ce sera le cas à Haven aussi ? Ou que cet accident n'est qu'un événement isolé ?

    -Je suis optimiste de nature, mais on sait que ce n'était pas un accident. Cela n'augure rien de bon, surtout si d'autres types aussi cinglés que Delgado s'en mêlent.

    -Tu crois que le major devrait parler aux autres de...tu sais quoi ?

    -S'il ne l'a pas encore fait, c'est parce qu'il n'est pas encore sûr que c'est le bon moment pour renier le protocole. Mais on ne va pas pouvoir rester ici éternellement, voilà qui est certain. Toujours pas de secours, des bêtes aux crocs acérés partout autour de nous, une pauvre vieille femme morte et un cinglé saucissonné... Le moment va venir, on n'aura plus le choix.

    -Je ne dois pas dire que j'en m'en réjouis, quelque part.

    -Ouais, je vois ce que tu veux dire. Il fait un temps à rester dedans, hein ? Et toi Sam, pas de regrets ?

    -Non. Je ne serais pas arrivée à grand chose autrement qu'en m'engageant. Oh, je suis pleine de capacités étonnantes, on le sait, mais je n'avais pas vraiment le moyen de les faire fructifier. Ni beaucoup de monde d'où je viens.

    -Au moins, tu es tombé sur nous!fit Velázquez, son habituel sourire éclatant sur les lèvres.

    -Ouais, heureusement que Paul et Sungmin sont là pour remonter ton niveau.

    -Aïe.

    -Au fait, tu sais où es le major ?

    -Il est toujours un ou deux wagon plus loin, je crois que Martha voulait lui parler.

    -Tu crois que...

    -Elle et le major ? J'ai de la peine à imaginer Adams s'éprendre de qui que ce soit. Ou alors il cache bien son jeu.

    -Et tu es un expert lorsqu'il s'agit de cacher son jeu, hein ?

    -Ça, ma grande, tu le verras lors de notre prochaine partie de cartes, quand les autres seront réveillés.

    Avec un nouveau sourire, Velázquez se laissa aller en arrière sur son strapontin, sortant son livre de sa poche. Et par-dessus les pages, il jeta un nouveau coup d’œil à Sam Jones, et s'il n'avait pas menti sur les raisons qui l'empêchaient de regretter d'avoir un jour enfilé l'uniforme, il n'avait pas exprimé la plus importante. Et il se demandait si il y arriverait un jour...