Et une page de plus! ^^
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Effectivement, c'est...inquiétant.
Dans la voiture de tête, Canton Adams étaient penché par-dessus l'épaule de Daniel Grümman pour mieux voir ce que diffusait le petit écran de surveillance. On pouvait y voir la surface d’Éclat, ou du moins les contours qu'on devinait dans la blancheur du jour et de la neige, là où le train étendait son ombre. Et dans ce décors battu par les vents, plusieurs silhouettes filaient régulièrement, bondissantes. Il s'agissait des mêmes espèces de gros lézards bipèdes qui avaient pénétré dans une partie du train et tué Stuart Moore ainsi que, probablement, Stan Detroit. Par groupe de trois ou quatre, elles rôdaient en bande, agitant la tête de tous les côtés comme des oiseaux. Ils rappelaient à Adams de gros poulets, comme ceux que ses parents élevaient dans l'une des fermes de production du Domaine. Mais en bien, bien plus dangereux.
-Il y a quelques caméras extérieures comme celles-ci installées le long du train. Je ne sais pas trop quel était leur but à l'origine, et elles sont loin de toutes fonctionner, mais j'y jette régulièrement un œil depuis qu'on est bloqués. Et toutes celles qui marchent captent des images de ces saletés depuis tout à l'heure. C'est comme si elles se rassemblaient, j'en ai compté plusieurs dizaines.Ce sont elles qui se projettent contre les voitures.
-Vous avez eu raison de me montrer tout cela dès que possible, capitaine Grümman. J'aime à savoir ce qui se passe. Mais nous devrions être à l'abri tant que nous restons à l'intérieur. Ce n'est pas comme si elles pouvaient dévorer le métal pour nous atteindre.
-Seulement, on risque de se retrouver à court de nourriture avant elles, grogna le chef conducteur.
-On avisera à ce moment là.
-Vous ne parlez plus des secours ?
-Ils devraient être là, à l'heure qu'il est. Ou ils auraient au moins réussi à nous contacter. Non, il y a quelque chose qui cloche de ce côté aussi. Ce qu'a dit Delgado m'inquiète, dieu sait ce que peuvent tramer ses responsables.
-Vous le croyez ?
-Disons que les troubles sont plus proches de la surface qu'on ne le pense, ces temps-ci. Il n'est pas de mon ressort d'en dire plus que nécessaire, mais l'Hégémonie est inquiète. Tout se joue à Haven, c'est pourquoi mon escouade y a été envoyée, pour rejoindre nos forces là-bas.
-Pour lutter contre l'invasion des lézards géants ?
-On ne m'a jamais parlé de lézards géants dans les rapports, je peux vous l'assurer. Ce sont les lézards du genre de Delgado qui m'inquiètent le plus. Ceux qui sont cachés sous la surface. Mais je doute qu'il en sache plus que nécessaire, lui aussi. Ces gens fonctionnent de manière prudente.
-Qu'est-ce que vous allez dire aux passagers ?
-La vérité. Ça ne sert à rien de les maintenir dans le noir, d'autant qu'ils ne sont pas stupides. On pourrait difficilement plus les affoler. Ils tiennent remarquablement bien le coup, d'ailleurs. Et vous aussi, capitaine.
-Je fais de mon mieux. Et je n'aurais jamais imaginé qu'on m'appellerait à nouveau par mon grade un jour.
-Et qu'est-ce que ça vous fait ?
-Plus de bien que je ne l'aurais cru. Seulement...
-Je suis désolé, pour votre jeune ami.
-Il y a peu de chances pour qu'il soit à l'abri quelque part, hein ? Non, ne dites rien, je le sais bien.
Les deux hommes se turent, aucun autre mot n'étant nécessaire. Ils continuèrent de regarder l'écran, le visage sinistre. Ils avaient beau être à l'abri dans les wagons fermés, il y avait quelque chose d'effrayant dans la manière dont se déplaçaient les créatures. De temps en temps, l'une d'elles s'arrêtait devant la caméra et levait la tête, la fixant avec une intensité que Canton Adams et Daniel Grümman n'avait jamais vu chez un autre animal. Une intensité qui faisait froid dans le dos.
-Bon, je vais aller avertir les autres, finit par dire le major en tapotant l'épaule de Grümman. Qu'on se prépare à une fin de journée et à une nouvelle nuit plutôt...difficile. En espérant que ce soit la dernière.
-Oui, en espérant...souffla le conducteur une fois qu'Adams fut sorti. Mais son instinct continuait de lui souffler le contraire et, au fond de ses os, Daniel Grümman avait l'impression résignée que le pire ne faisait en réalité que commencer.