Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Plume de Renard - Page 35

  • Lucie 52

    Un nouveau passage pour commencer la journée!^^

     

    _________________________________________________________________________________

     

     

    D'une poussée, il envoya Ed Travers bouler sur le sol, dans les jambes d'un Arthur Kent stupéfait qui essaya de se rattraper à Kenneth Marsters, et tous trois s'écroulèrent ensemble dans un mélange désordonné de bras et de jambes. Se remettant de sa surprise, le caporal Velázquez sentit ses réflexes aiguisés par un entraînement de longue durée reprendre le dessus et il fut le seul à se dresser sur le chemin de l'homme hurlant, tandis qu'Adams, Jung et Ravert se précipitaient à leur rencontre. Trop sûr de lui, Velázquez ne s'attendait pas à ce que Delgado oppose une grande résistance et fut stupéfait de la force avec laquelle le jeune prêtre le percuta de plein fouet. Comme par réflexe, ce dernier accompagna le mouvement par un vicieux coup de poing qui s'enfonça dans l'estomac du caporal. Velázquez en eut le souffle coupé et se retrouva plié en deux, laissant le champ libre à celui qu'il avait essayé d'arrêter.

     

    -Mais qu'est-ce que vous faites? s'écria Augustus Miguel, indigné. Le vieil homme s'était levé et se dressait, tremblant mais déterminé, devant sa femme.

     

    -Hors de mon chemin !

     

    Dans ce nouveau cri, Delgado saisit Miguel par le col de son manteau et commença à le secouer comme s'il ne pesait pas plus lourd que les vêtements qu'il portait sur le dos. Refusant de se laisser faire, le vieillard avait saisit les poignets du prêtre et lui enfonçait ses ongles dans la peau, la griffant sans ménagement dans l'espoir de voir l'autre lâcher prise.

     

    -Mais lâchez le bon sang !

     

    Martha Robbins s'était précipitée à son tour, enserrant la taille du prêtre de ses bras minces mais néanmoins costaud pour essayer de séparer les deux hommes. Elle tenait bon, ne relâchant pas un seul instant prise malgré les ruades de Delgado, mais l'homme ne perdait pas de terrain pour autant. De son côté, comme s'il reprenait enfin ses esprits, John Horst se redressa de toute sa taille, masse impressionnante pour son âge, et vint à la rescousse. De ses mains comme des battoirs, il se mit à tordre les minces poignets de son collègue pour dégager Miguel de sa prise, tout en admonestant Delgado d'une voix grondante et impérieuse :

     

    -Qu'est-ce qui vous prend, Diego ? Vous allez arrêter ça tout de suite !

     

    -Mais vous ne voyez pas que j'essaie de nous sauver, tous ? Elle porte la marque ! La marque que j'ai vue dans mes rêves ! Vous ne comprenez rien, vieux débile !

     

    Delgado lâcha monsieur Miguel qui tomba à genoux, haletant, et frappa violemment Horst au visage. Au même moment, Ravert et Jung étaient là, prenant chacun un bras du jeune prêtre tandis que Martha essayait toujours de le tirer en arrière. Même à trois, ils eurent toutes les peines du monde à maîtriser le forcené. Delgado criait, crachait, griffait et essayait même de mordre ses tourmenteurs, animé par une énergie formidable qu'on ne se serait pas attendu à voir habiter un homme de constitution si frêle.

     

    -Vous ne comprenez pas, vous ne comprenez pas ! ne cessait-il pas de répéter.

     

    Il perdait tout de même du terrain et, peu à peu, les autres réussirent à le traîner loin de la mourante. Essuyant le sang qui coulait de sa lèvre inférieure, John Horst offrit une main à Augustus Miguel et le releva avec douceur. Et alors que tous pensaient enfin la situation sous contrôle, un nouveau sursaut d'énergie s'empara de Delgado, comme s'il était au désespoir. Les deux soldats avaient commencé à relâcher leur prise, et le prêtre se jeta en avant avec une telle force qu'il réussit à les déséquilibrer. Mais Martha était toujours accroché à lui et elle accompagna le mouvement se jetant sur son dos, enserrant sa taille de ses jambes cette fois-ci et passant ses bras autour de son cou. Elle commença à serrer, et Delgado voulut riposter en s'agitant de tous les côtés dans l'espoir de la voir perdre prise. Mais Martha tint bon et, lorsque l'homme essaya de la saisir maladroitement d'une main dans son dos, elle lui mordit sauvagement l'oreille. Il poussa un nouvel hurlement, et Martha renforça encore sa prise. Elle entendit Sungmin Jung crier quelque chose, et vit Kenneth Marsters accourir vers lui pour lui tendre sa trousse de premiers secours. Cette fois-ci, ce furent Velázquez et Ravert qui revinrent à la charge pour s'emparer du prêtre tandis que Samantha Jones retenait Lucie Robbins. La fillette voulait se précipiter vers sa mère, mais la femme soldat la tenait fermement contre elle. Enfin, Sungmin sortit une seringue hypodermique de son matériel et, sans hésiter, la planta d'un geste sec dans le cou de Diego Delgado. Tout d'abord, cela sembla n'avoir aucun effet, le jeune homme continuant de se débattre et de s'agiter dans tous les sens, mais le produit -quel qu'il soit- que lui avait administré Jung finit par faire son office. Les mouvements de Delgado se firent plus désordonnés, plus mous, et il finit par se se détendre totalement, les autres devant le retenir pour qu'il ne s'écroule pas sur le sol. Velázquez et Ravert ne lâchèrent pas prise pour autant, mais Martha put s'écarter, pantelante, les cheveux défaits, tandis que Jones laissa Lucie venir se précipiter dans ses bras. Sa mère la serra contre elle, murmurant des mots rassurants, tout en voyant le major Adams rengainer tranquillement le pistolet qu'il avait sorti. La crise semblait terminée et, dans sa totalité, n'avait guère duré que quelques secondes.

     

    -Qu'est-ce que vous lui avez donné?s'enquit-elle à l'intention de Sungmin, qui reprenait aussi son souffle.

     

    -Le tranquillisant le plus fort que j'avais à disposition. J'ai presque eu peur de le tuer, la dose que je lui ai injectée aurait pu en assommer trois ou quatre de sa stature, mais ça me paraissait indiqué.

     

    -Vous savez quoi ? Vous avez bien fait.

     

    -Martha, ça va ?

     

    C'était Arthur Kent qui s'inquiétait, les cheveux en bataille, les lunettes de travers sur le nez. Avec un sourire, Martha les redressa, et épousseta les épaules de l'écrivain d'un geste machinal, comme elle l'aurait fait avec sa fille si elle était rentrée de ses jeux dans les vieux quartiers à traîner on ne savait où.

     

    -Ça va, Arthur.

     

    -Qu'est-ce qui lui a pris ?

     

    -J'aimerais bien le savoir, croyez moi...

     

    Soulagés, mais l'air sombre, ils contemplaient les deux soldats qui traînaient le corps flasque de Delgado pour l'installer sur un siège à l'écart des autres. Toute volonté de résistance semblait avoir disparu chez le prêtre mais ce dernier avec encore la force de parler, dodelinant de la tête, ne cessant de répéter les mêmes mots encore et encore :

     

    -Vous ne comprenez pas, non, vous ne comprenez pas... Le bleu arrive... Vous ne comprenez pas...

     

     

     

  • Lucie 51

    Le petit passage du jour!

    _____________________________________________________________________________________

     

     

    -Son état s'est encore aggravé d'un coup, reprit Sungmin. A la fin de mon tour de garde, je n'avais rien vu de tel en l'examinant et ce matin au réveil, cette... chose s'était propagée.

     

    -Une idée de ce que cela peut être ?

     

    -Pas vraiment. J'imagine que l'infection a permis son développement, mais je n'ai jamais vu rien de tel. En fait, je n'ai même jamais entendu parler de quelque chose qui ressemble à ça.

     

    -Contagieux ?

     

    -Impossible à dire. Je préconise d'éviter le contact, mis à part pour monsieur Miguel et moi, vu que le mal est déjà fait. Et si c'est quelque chose dans l'air, nous sommes tous logés à la même enseigne.

     

    -Combien de temps lui reste-t-il, à votre avis ? Adams avait tiré le médic un peu à l'écart pour lui poser la question. Le jeune soldat secoua la tête :

     

    -Je ne sais pas exactement, major. Pas longtemps, je pense. Horst et moi avons conseillé à Augustus de lui faire ses adieux, et il va rester avec elle jusqu'à la fin. Je serais surpris que ça dure ne serait-ce qu'encore une heure...

     

    A ces paroles, Sungmin pâlit et serra les poings, accablé par ce sentiment d'impuissance qui ne le quittait pas depuis qu'il avait commencé à s'occuper de sa patiente. Canton le vit bien, et décida de ne pas passer outre :

     

    -Vous avez fait tout ce qui était possible, Jung. Vous n'avez rien à vous reprocher, votre devoir a été accompli.

     

    -Je suis médecin, major. Je n'en fais jamais assez tant que mes patients ne sont pas sur pieds.

     

    Canton se contenta d'observer intensément le jeune homme, sachant qu'il ne pourrait rien dire maintenant qui lui permettrait de vivre plus facilement la situation. Sungmin était un bon garçon qui avait toujours pris les choses très à cœur, et il était probablement le membre le plus sensible de l'escouade. Mais le major était tout aussi fier de lui que des autres, et il n'y avait eu que Stuart Moore pour poser problème. Ce qui ne voulait pas dire qu'Adams se réjouissait de sa disparition, même s'il avait d'autres soucis en tête. Il y avait l'état étrange de madame Miguel bien sûr, mais aussi l'absence totale du moindre contact avec l'extérieur. Haven ne pouvait avoir fait autrement que réaliser leur absence à l'heure qu'il était, et si le train était le seul véhicule qui faisait la liaison, Canton savait que les complexes disposaient d'autres véhicules d'urgence. Sommairement adaptés aux conditions de la surface, ils n'étaient pas nombreux ni très spacieux, mais ils devaient en théorie permettre de suivre la voie et d'apporter le matériel et les experts nécessaires. Et c'était sans compter certains prototypes développés en ce moment à Haven, mais Adams n'était au courant que parce que son rang le lui avait permis, et il n'était pas censé en dévoiler l'existence. Pour le moment, ils ne pouvaient tous que continuer à attendre, mais il ne savait quel effet le sort de madame Miguel aurait sur le moral des passagers, et ce n'était pas la seule chose dont ils avaient à se soucier. Il contactait régulièrement Daniel Grümman, dans la voiture de tête, qui observait les autres wagons avec les caméras fonctionnelles dont il disposait, et les créatures qui étaient montées bord et avaient tué Stuart Moore y rôdaient toujours. Elles venaient régulièrement examiner la porte verrouillée qui les séparait du reste du train, et ce avec une attention toute particulière, semblant parfaitement comprendre qu'elle représentait le dernier obstacle avant leurs proies. Plus inquiétant encore, le conducteur en chef constatait de plus plus de fluctuations dans les systèmes du train, qui souffrait de son arrêt aussi brusque que prolongé. Dans son fort intérieur, le major n'avait d'autre choix que d'envisager toutes les possibilités, même celles qui lui plaisaient le moins, comme d'envisager une expédition chargée de remonter les wagons jusqu'aux machines, dans l'espoir que Ravert et Marsters puissent en apprendre plus sur la situation technique, peut-être avec l'aide de Grümman. Mais Canton n'était pas enchanté à l'idée d'envoyer qui que ce soit effectuer une telle équipée. Seulement, il n'aurait peut-être plus d'autre choix si...

     

    Du coin de l’œil, il perçut une agitation soudaine du côté de madame Miguel, et un cri perçant, sauvage, retentit dans le wagon. Fendant l'attroupement, bousculant les autres passagers, le père Diego Delgado se précipitait vers la blessée en hurlant, comme possédé.

     

  • Lucie 50

    En ce (morne) dimanche, "Lucie" continue! Et c'est la partie 50, mine de rien! Je continue de garder le rythme, ce qui m'étonne, et j'espère que ça va continuer!

     

    _______________________________________________________________________________

     

     

    -Je croyais qu'elle s'était cassé la jambe. Comment est-ce que cela a pu s'aggraver à ce point ?

     

    -Je n'en sais rien, major. Je n'en sais foutrement rien.

     

    Sungmin Jung, d'un tempérament généralement calme et égal, se montrait rarement grossier mais il avait besoin d'évacuer la tension qui s'était accumulée en lui. Il s'était régulièrement relevé au cours de la nuit pour aller surveiller l'état de madame Miguel, et il avait les yeux rougis par le manque de sommeil et l'inquiétude. L'état de sa patient n'avait cessé de s'aggraver depuis le début, et il ne comprenait pas pourquoi. Il soupçonnait une sorte d'infection qui se serait férocement attaquée à la vieille dame depuis l'intérieur, mais il n'avait jamais rien vu de pareil auparavant. Impuissant, il n'avait pu que constater l'étendue des dommages et faire de son mieux pour soulager cette femme de la souffrance qu'elle ressentait. Et quand il était retourné à son chevet au réveil, c'était pour constater que la fin était proche. La santé périclitante de madame Miguel avait décliné plus rapidement encore qu'il ne l'aurait cru, et il était profondément bouleversé de ne pas pouvoir faire plus.

     

    -Tu as fait tout ce que tu pouvais, Sung. Ravert avait aussitôt saisi le trouble qui agitait son ami, et il avait posé une main réconfortante sur l'épaule du jeune médic. Sungmin trouva la force d'afficher un pâle sourire pour montrer à Paul qu'il appréciait le geste, puis s'adressa à nouveau au major Adams :

     

    -Quoi qu'il lui arrive, c'est encore en train de s'étendre. Ce n'était pas là avant l'extinction des feux hier soir, mais le développement est très rapide. Major, je crois que vous devriez voir ça.

     

    Canton Adams se frotta le menton d'un doigt, son regard clair sondant celui de Sungmin et comprenant la détresse qui y régnait ; la détresse, mais aussi une certaine forme d'urgence.

     

    -Bien. Allons-y.

     

    Les soldats rejoignirent le fond du wagon, où madame Miguel était alitée. Les autres passagers y faisaient plus ou moins cercle, rassemblés dans les environs mais pas trop près pour laisser de l'espace à la mourante. Son mari était à ses côtés, agenouillé à même le sol, la main de sa femme dans les siennes. John Horst était avec eux, sa présence rassurante dédiée tout entier au réconfort du couple. Martha, qui conversait à voix basse avec Arthur Kent et Kenneth Marsters, se dirigea droit vers Canton dès qu'elle le vit arriver. Elle avait laissé sa fille aux soins du caporal Jones, plus loin, et il était difficile de savoir à quel point la fillette était affectée par tout ceci.

     

    -Canton, l'interpella Martha, qui avait pris l'habitude de l'appeler par son prénom plutôt que son grade. Ce que le major ne pouvait s'empêcher de trouver agréable, dans un recoin de son esprit. C'est très grave.

     

    -Sungmin m'a raconté, je sais. Tout ira bien, Martha. Sans même vraiment le réaliser, il lui avait doucement pris le bras, avant de le serrer dans une volonté de réconfort. Et si Martha Robbins n'était habituellement pas femme à chercher le réconfort, elle ne peut s'empêcher d'apprécier le geste.

     

    -Vous le croyez vraiment ? demanda-t-elle doucement, un pâle sourire aux lèvres.

     

    Canton ne répondit pas ; il n'en avait pas besoin pour qu'elle sache ce qu'il pensait réellement. Elle s'écarta pour le laisser passer, ainsi que Sungmin, et les deux hommes s'approchèrent de madame Miguel. Le père Horst les accueillit avec sa chaleur coutumière, mais sans un mot, et Canton posa doucement sa main sur l'épaule de monsieur Miguel.

     

    -Comment va-t-elle, Augustus ?

     

    Le vieil homme tourna la tête pour découvrir une face ridée et baignée de larmes muettes, et il cligna plusieurs fois des yeux avant de reconnaître le major. Il avait l'air hagard et les vêtements froissés.

     

    -Elle se bat jusqu'au bout, réussit-il à dire d'une petite voix, couvant sa femme d'un regard tendre et désespéré. Votre garçon aura fait tout ce qu'il a pu !

     

    Il s'adressait cette fois à Sungmin, et le médic prit la parole :

     

    -J'aimerais le montrer au major, Augustus. Je crois qu'il faut qu'il sache.

     

    -Oh, oui, vous devez avoir raison... Il faut tous que nous sachions ce qui touche mon Hilda...

     

    Avec beaucoup de douceur, Sungmin découvrit alors Hilda Miguel, à peine consciente, et ouvrit son manteau avant de mettre à nu une épaule. Adams se pencha pour mieux voir, et ce qu'il avait tout d'abord pris pour de simples veines plus prononcées que d'autres étaient en fait de véritables filaments bleus et luisants qui remontaient presque jusque dans le cou de la vieille femme.

     

    -Ça part de la jambe, pour remonter jusqu'ici, commenta Sungmin. Et je n'ai aucune idée de ce que ça peut bien être.

     

    -Bon dieu, lâcha le major. Derrière lui, il sentit quelqu'un contenir une exclamation de surprise, et il se retourna pour voir Martha Robbins, qui s'était approchée et qui tenait son poing serré devant sa bouche. Leurs regards croisèrent, et ils n'eurent pas besoin de mots pour comprendre que la situation ne pouvait qu'empirer, et que tout n'irait pas bien, contrairement à ce qu'avait pu prétendre Canton Adams. Et comme pour appuyer ce fait, le vent se mit à souffler plus fort encore à la surface et se mit à fouetter de plus belle le train immobilisé, dont le métal ancien et fatigué craqua, grinça et s'agita tandis que madame Miguel poussait ses derniers râles.