L'intermède passé, voici le retour de "Lucie" aujourd'hui, avec un peu plus d'une page!^^
_____________________________________________________________________________________
-Vous avez dit quelque chose ? s'enquit Kenneth Marsters, curieux.
-Oui, que ça pourrait être pire.
-Aïe.
-Oui hein ?
-C'est jamais bon signe. C'est une des premières choses que j'ai apprise dans mon domaine de recherches : dès que quelqu'un a la malheur de dire ça, tout ne peut qu'empirer.
-Pourquoi forcément empirer ? Pourquoi est-ce que ça ne pourrait pas s'améliorer ?
-Impossible. C'est aussi universellement vrai qu'une loi de la physique.
-C'est bien ce que je pensais, mais vous auriez au moins pu faire l'effort de prétendre le contraire afin de me rassurer...
-Vous êtes le genre d'homme qui a besoin d'être rassuré, caporal ?
Marsters décocha un vif sourire amusé à l'attention de Velázquez, qui le lui rendit bien. Le soldat était content de l'avoir dans les parages : il le trouvait sympathique, et prêt à tout pour se rendre utile plutôt que de rester à se tourner les pouces. C'était ce qui avait poussé l'ingénieur à demander au major Adams la permission de se joindre à André Velázquez et Paul Ravert dans leur petite expédition.
-Je sais me rendre utile, avait-il déclaré avec un aplomb tranquille qu'on ne se serait guère attendu à voir chez un homme de sa stature. Plus que si je reste ici. Je pourrai aider le soldat Ravert pour ce qui est technique : je suis familier avec les systèmes de ce train.
-Qu'est-ce que vous dites de ça, Paul ?
-Que si il dit vrai, ça me faciliterait la tâche si besoin est.
-Au point que je laisse un simple civil trébucher sur les talons de deux de mes hommes ? Demanda-t-il à Kenneth. Mais Adams n'avait posé la question que pour tester son interlocuteur ; il l'avait déjà jaugé, et était curieux de voir comment il allait réagir.
-Je suis peut-être un civil, et je pense être un homme simple, mais je trébuche rarement, major.
-Dans ce cas... Vous savez vous servir d'une arme ?
Le major avait ouvert son paquetage, dont il sortit une petit arme de poing de rechange, qu'il tendit à Marsters. Ce dernier s'en saisit s'en trembler et vérifia qu'elle était chargée avant de repérer le cran de sécurité.
-Si besoin est. Je suis plein de ressources.
-On dirait bien. Soit, allez-y. Je préfère trois hommes sur le coup que trois, après tout. Merci de votre aide, monsieur Marsters. Caporal, prenez soin de notre volontaire, même s'il semble tout à fait capable de se débrouiller tout seul. Et mettez-vous en route, nous...
-Hé ! Vous n'allez pas5 vous en tirer comme ça !
Agacé d'avoir été ainsi interrompu, Canton Adams n'avait pu dissimulé l'ennui que lui causait ce délai et, plus encore, la personne qui en était responsable. Ed Travers s'était approché pour les rejoindre, sa casquette vissée sur ses cheveux roux et le visage presque aussi écarlate que ces derniers.
-Que puis-je pour vous, monsieur Travers ? Et si vous pouviez être bref, le temps est...
-Si Marsters y va, moi aussi ! Je suis le responsable de ce voyage, et le représentant du service de transports ! Je ne vais pas vous laisser crapahuter dans mon train sans moi ! Et j'ai la seule clef, vous avez besoin de moi !
-Votre train ? Depuis quand ?
-Depuis que j'ai été nommé à ce poste, et je vous prie de ne pas me parler sur ce ton, major ! Je ne suis pas un de vos petits soldats !
-Non, vous n'avez rien d'un soldat, en effet...
-J'exige d'accompagner vos hommes !
-Comme je sais pertinemment que vous n'allez pas me foutre la paix, et que la décence m'interdit d'arracher votre clef à votre petit corps malingre, je vais accepter mais.. Non, taisez-vous ! Pas un mot, laissez moi finir ! Bien. Vous allez faire exactement tout ce que le caporal et le soldat Ravert vous diront, vous ne ferez rien sans leur accord, et vous ne les quitterez pas d'une semelle, est-ce bien clair ? Et avant que vous ne me répondiez, sachez que je vous tiendrai personnellement responsable pour la moindre bévue de votre part, et que vous ne pourrez pas compter sur votre statut de civil pour échapper à mon courroux. Compris, monsieur Travers ?
Le responsable avait blêmi, son assurance ayant physiquement manqué de peu de s'écouler par chacun des pores de sa peau. Paralysé par le regard du major, il aurait volontiers pris la décision de se replier si cela n'avait signifié perdre la face plus avant. Il avait alors rassemblé les derniers morceaux de sa dignité et s'était raclé la gorge avant de répondre, d'une voix bien plus aiguë qu'il l'aurait voulue :
-Bon, ça va, j'ai compris...
-Parfait. Allez-y maintenant... Quoi encore, Travers ?
-Je n'ai pas droit à une arme ?
Le major s'était contenté de le regarder sans rien dire, et le rouquin n'avait rien ajouté avant de prendre la suite des autres. Mais il n'avait pas tardé à se rattraper en se plaignant et en rouspétant tout au long du chemin que parcourait le petit groupe le long du train. Au moins, ils n'avaient rencontré aucun problème plus grave, traversant des wagons déserts jusqu'à arriver à celui où ils avaient, plus tôt, rencontré leurs premiers passagers. Velázquez intima le silence à Travers, qui obéit non sans avoir la mine boudeuse, et fit signe à Paul Ravert de s'avancer en éclaireur. Ils avaient régulièrement tenté de contacter Stuart Moore durant leur avancée, mais sans jamais avoir de réponse. Ravert s'engouffra dans la voiture, avant de ressortir une vingtaine de secondes plus tard.
-Alors?
-Rien, fit le soldat. Aucune trace de Stuart. Mais il y a autre chose... Et ce n'est pas très joli.
Il échangea un regard lourd de sous-entendus entre Velázquez et ce dernier, suivi des deux civils, entra à son tour dans le wagon qu'était censé garder Stuart Moore.