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Plume de Renard - Page 46

  • Lucie 27

    Une nouvelle -et bien bonne- journée bien remplie hier, pleine d'imprévus très chouettes, ne m'aura pas permis de pondre une page. Je me rattrappe aujourd'hui, avec le passage du jour!^^

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    La radio continua de grésiller quelques secondes, guère impressionnées par tous les regards

     

    tournés vers elle. L'air plus concentré que jamais, Ravert entreprit de modifier quelques réglages, espérant clarifier la réception. Une voix finit enfin par se faire entendre, brouillée par des parasites. Le soldat tritura d'autres commandes, et tous purent enfin entendre ce que leur mystérieux correspondant avait à dire :

     

    -...suis toujours coincé dans la cabine. Ici Grümman, le chef opérateur. Est-ce que quelqu'un me reçoit ? Stan, gamin, tu es là ? Qui que ce soit ? Je répète, je suis coincé dans la voiture de tête. Stan , réponds bon sang !

     

    -Ici le soldat Paul Ravert, des forces armées de l'Hégémonie. Je fais partie de l'escouade qui est montée à bord. Je vous reçois.

     

    -Enfin je trouve quelqu'un ! Qu'est-ce que vous avez foutu ? Tout se passe bien de votre côté ?

     

    Adams fit signe à Paul de lui donner la radio, et le soldat la lui tendit :

     

    -Je vous passe notre officier commandant.

     

    -Major Canton Adams. Qu'est-ce qui se passe de votre côté, monsieur Grümman ?

     

    -Content de vous entendre, major. Il ne se passe pas grand chose, à vrai dire. Je n'arrive pas à ouvrir ma porte, mais au moins je suis confortablement installé, et j'ai du café chaud. Je garde un œil sur le tableau de bord, notamment sur les caméras. Je vous ai vu rejoindre les autres passagers.

     

    -Est-ce qu'il y a d'autres caméras qui fonctionnent, monsieur Grümman ?

     

    -Je peux basculer sur d'autres, oui. C'est un des rares systèmes qui fonctionne encore correctement, et surtout indépendamment du reste. Vous avez envie de voir quelque chose de spécial ?

     

    -Peut-être. Restez vigilants, quelque chose me dit que c'est une bonne chose à faire étant donné les circonstances.

     

    -Ouais, on se disait la même chose avec Stan. Vous ne l'auriez pas vu, des fois ? J'essaie de le joindre depuis un moment maintenant, il est sorti avec une radio pour rejoindre le reste du train.

     

    -Sorti ?

     

    -Par le sas de secours. Le gosse ne tient pas en place, et il a du courage... Mais ça commence à m'inquiéter, d'autant que je ne le vois pas avec vous.

     

    -Nous n'avons croisé personne, monsieur Grümman.

     

    -Passez moi ça ! demanda Martha Robbins au major, si impérieuse que ce dernier se surprit à ne même pas hésiter. Merci. Monsieur Grümman ? Martha Robbins. Oui, la blonde, c'est ça. J'ai vu Stan Detroit, plus loin dans le train. Il a pu rentrer, mais il est ressorti pour essayer de trouver un autre sas plus loin encore. Le major et ses soldats l'ont retrouvée depuis, mais à ce moment là nous cherchions ma fille, et votre jeune ami s'est proposé pour nous y aider.

     

    -Ça ne m'étonne pas de lui. C'est bien son genre.

     

    -Il a en effet beaucoup de courage. J'espère qu'il va bien.

     

    -Bah, j'en suis sûr ! Je vais sûrement finir par le repérer sur l'une ou l'autre caméra... Je parie qu'il s'est mit en route pour les machines, tout en cherchant pour votre gamine au passage. Merci pour l'info, madame Robbins.

     

    -C'est normal. Je vous repasse le major.

     

    -Autre chose que je peux faire pour vous, major ? Vous savez, j'étais aussi dans l'armée, il a vingt ans, avant de conduire ce train. J'étais le capitaine Grümman, à l'époque. Je suis toujours de réserve.

     

    -Et bien, capitaine, que diriez-vous de rempiler le temps qu'on règle la situation ?

     

    -A vos ordres, major !

     

    -Pour le moment, vous ferez office d'officier de surveillance. Vous avez de quoi tenir le coup ?

     

    -Il y a à boire et à manger dans la cabine, je n'ai pas à me plaindre.

     

    -D'accord. J'enverrai quelqu'un essayer de vous ouvrir une fois que nous aurons sécurisé la voiture des passagers. Ravert se débrouille très bien avec ça.

     

    -Ne vous stressez pas pour ça, je ne suis pas pressé. Et puis vous avez besoin de quelqu'un à mon poste.

     

    -Appelez-nous si vous repérez quelque chose, ou si vous retrouvez votre ami.

     

    -Bien major ! Capitaine Grümman, terminé.

     

    La radio se tut, et Adams la redonna à Ravert, qui l'accrocha à sa ceinture. Le major se frotta les mains, pensif, et parut prendre une décision. Il s'éclaircit la gorge et leva aussi une man, paume ouverte, pour attirer l'attention :

     

    -Bien, je vais vous demander de tous écouter, merci. La situation est la suivante : nous sommes coincés ici au milieu de nulle part, jusqu'à nouvel ordre. Nous ne savons pas si nous pourrons contacter le complexe d'où nous sommes partis, ni si ils auront les moyens de nous joindre avant qu'ils ne réalisent que nous ne sommes pas arrivés à Haven. Pareil pour cette dernière. Il y a des vivres stockées dans ce train, et de quoi nous tenir chaud. Si la situation n'évolue pas d'ici quelques heures, nous tâcherons de voir si nous pouvons redémarrer le train par nous-même. En attendant, mes hommes et moi assureront votre sécurité, si besoin est. Je vous demanderai de ne pas quitter ce wagon, et de rester vigilants. Nous ne savons toujours pas pourquoi nous nous sommes arrêtés aussi brutalement. Des questions ?

     

    Il prit soin de regarder chacune des personnes présentes. Les Miguel, ensembles, se tenant la main ; Ed Travers, qui ne semblait pas ravi de voir le major prendre les rennes de la situation ; le père Delgado, l'air à peine plus renfrogné que d'habitude, et le père Horst, qui hochait vigoureusement la tête aux dires d'Adams, affichant son soutien ; Arthur Kent et Kenneth Marsters, qui faisaient de leur mieux pour cacher leur air inquiet et les quelques autres passagers, attentifs mais un peu perplexes ; le reste de son escouade, efficaces et prêts à tout ; et, surtout, Martha Robbins, qui ne quittait pas le major des yeux, sa fille à ses côtés.

     

    -Bien, fit-il. Il ne nous reste plus qu'à attendre. Installez-vous confortablement.

     

  • Lucie 26

    Aujourd'hui c'est peut-être dimanche, mais ça ne m'aura pas empêché d'écrire deux pages! Et mine de rien, j'en suis à quarante déjà, ça progresse! En tout cas, ça fait des années que je n'avais pas tenu aussi longtemps sur la même histoire! Voici donc!^^

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    -Je vais vous laisser vous reposer, madame Miguel, maintenant. Juste une dernière injection, pour calmer la douleur.

    Jung Sungmin sourit à la vieille dame couchée en long sur deux sièges du wagon des passagers, tandis qu'il préparait la seringue hypodermique qu'il avait sortie de sa trousse de premiers soins. Hilda Miguel lui rendit son sourire, faiblement mais avec du cœur ; elle se sentait rassurée par la présence et les manières du jeune médic. Sungmin faisait cet effet là aux gens, et c'était sans doute ce qui le rendait si efficace dans son domaine. Il savait les mettre à l'aise, et les réconforter quand besoin était. Dès son plus jeune âge, il avait toujours eu le contact facile avec les gens, et il avait rapidement compris qu'il avait envie de les aider. Voilà pourquoi il avait choisi des études de médecine, et comme il ne disposait pas beaucoup de moyens, il l'avait fait sous l'égide de l'armée. L'Hégémonie prenait soin de ses soldats et leur assurait une formation de haut niveau, afin qu'ils puissent rapidement trouver leur place dans la société une fois leurs services rendus. Il n'y avait pas beaucoup de militaires de carrière, ou du moins peu qui y consacraient toute leur vie, les officiers d'état-major mis à part. L'Hégémonie n'en avait pas vraiment besoin, il n'y avait aucune puissance ennemie à craindre. Mais le gouvernement favorisait le passage dans les rangs de l'armée, et nombre de jeunes hommes et femmes saisissaient l'opportunité que leur offrait leur service, qui devenait un véritable tremplin pour leur vie future. Une sorte de tournus était ainsi mis en place, et permettait au gros des troupes d'être représentées par du sang neuf et, la plupart du temps, enthousiaste. Être soldat ne constituait plus tant que ça le fait de ne savoir manier qu'un fusil. Et cela convenait à Sungmin, qui n'avait appris à utilisé le sien aussi bien que parce que les instructeurs insistaient sur l'excellence dans tous les domaines. Comme tous ses collègues, Sungmin n'aurait sans doute jamais à faire feu en dehors d'un entraînement. Du moins était-ce là ce qu'il croyait jusqu'à ce qu'ils se retrouvent tous bloqués au milieu de nulle part, dans des circonstances plus que douteuses... Mais pour l'heure, il avait une patiente à soigner sur laquelle diriger toute sa concentration. Il vérifia qu'il avait correctement dosé la seringue et l'appliqua sen douceur sur la peau de la vielle dame avant d'injecter l'antidouleur.

    -Voilà qui est fait ! Reposez-vous bien, je viendrai vous réexaminer toute à l'heure. En attendant, s'il y a quoi que ce soit, faites moi signe.

    -Bien docteur. Merci.

    Elle persistait à l'appeler docteur quand il lui avait expliqué plus d'une fois qu'il n'était pas encore détenteur d'un tel titre, mais madame Miguel avait insisté, balayant ses arguments avec la certitude de son grand âge. Si elle décidait que pour elle, il était un docteur, et bien il serait un docteur, voilà tout. Dans une situation pareille, il en fallait bien un et elle était ravie que ce soit un garçon si charmant et si efficace. Alors Sungmin n'avait pas insisté ; de toute façon, depuis que l'escouade avait rejoint ce wagon, il avait très vite compris que personne n'osait vraiment insister auprès de madame Miguel pour quoi que ce soit, y compris son mari. A vrai dire, Sungmin avait été étonné de voir avec quel aplomb les passagers vivaient la situation. Quand les soldats étaient arrivés en compagnie des Robbins, de Kent et de Marsters, c'était pour découvrir les autres tranquillement installés, occupés à prendre leur mal en patience. Tous s'étaient installés le plus confortablement possible, près les un des autres, conversant tranquillement. John Horst, qui jouait aux cartes avec un autre passager, avait visiblement été essentiel dans cette entreprise, transmettant sa bonhomie à tous ceux qui l'entouraient. Il avait rassuré ses prochains et passé beaucoup de temps auprès des Miguel jusqu'à ce que Sungmin vienne prendre le relais. Il n'y avait eu que le responsable du trajet, Ed Travers, pour se montrer désagréable. Il s''était rué sur les soldats dès leur arrivée pour les accabler de reproches et de questions, et ce jusqu'à ce que le major Adams le remette vertement à sa place. Depuis, il boudait comme un enfant, installé seul dans un coin du wagon. Les autres avaient accepté avec soulagement la présence des militaires. C'était signe pour eux que quelqu'un de capable était désormais en charge, et il était difficile de faire plus capable que le major Canton Adams.

    -Alors, mon garçon, comment va-t-elle ?

    C'était le mari de Hilda Miguel, qui fit signe à Sungmin de venir à l'écart, hors de portée de voix de la vieille femme. Augustus Miguel était un homme distingué d'un âge avancé, probablement plus de septante ans. Mince et noueux, il n'en était pas moins bien entretenu pour son âge, et ne donnait certainement pas l'impression d'être fragile. Il avait le crâne chauve, qui luisait sous l'éclairage du wagon, et un collier de barbe argenté impeccablement taillé. Ce qui était aussi le cas de son complet gris, fait sur mesure et ne présentant pas un pli malgré l'arrêt brutal du train. Tout y était : la cravate, le mouchoir blanc dans la poche de poitrine, les boutons de manchette brillants et la montre à gousset au bout de sa petite chaîne, qu'il triturait machinalement quand il était inquiet, comme maintenant. Et comme tout le monde à bord, Sungmin avait entendu parler de lui bien avant de le rencontrer. Ce vieil homme à l'air digne était l'un des plus riches citoyens de l'Hégémonie, étant à la tête d'un conglomérat d'entreprises qui employaient une partie non négligeable de la population. Sa femme et lui avaient décidé de quitter le Domaine pour aller s'installer à Haven, afin de superviser l'épanouissement de leurs filières sur place ; Augustus Miguel croyait fermement que l'avenir se trouvait à Haven. Aussi, le couple avait pris le train, de la même façon que les autres passagers. Entre leurs contacts et leur fortune, ils auraient sans peine pu bénéficier d'une voiture pour eux seuls, mais les Miguel n'avait jamais été de ceux qui se plaçaient au-dessus des autres. Et pour l'heure, ils étaient bien contents d'avoir de la compagnie et de ne pas être bloqués dans un wagon plus loin dans le train.

    -La jambe est cassée, c'est certain. Je lui ai posé une attelle synthétique, une des nôtres, de modèle militaire, et je lui ai administré de quoi la rendre le plus confortable possible...

    -Mais ? Oh, ne soyez pas étonné, mon garçon, j'ai passé assez de temps dans ma vie en discussions pour devenir quand il y a un mais. N'ayez pas peur d'être franc, vous n'êtes en rien responsable de son état.

    -Et bien, elle est plus faible qu'elle ne le devrait. Et ce sans prendre son âge en compte, d'autant qu'elle m'a l'air en bonne santé, de manière générale.

    -Ah ça, ma femme a la peau dure, elle nous enterra tous, je l'ai toujours dit. Et aujourd'hui plus que jamais, j'espère ne pas me tromper.

    -Il y a peut-être une infection, ou alors des dommages internes liés à sa chute que je n'ai pas encore pu déceler. Je n'ai pas vraiment le matériel nécessaire pour ça, malheureusement. Mais je vais surveiller sa condition de près, et faire tout mon possible pour l'aider.

    -Je n'en doute pas mon garçon, je n'en doute pas... Monsieur Miguel caressa du pouce sa montre à gousset, et décocha un sourire absent à Sungmin, ses pensées toutes entières tournées vers sa femme. Il était étrange de voir un homme aussi puissant avoir l'air aussi désorienté... Mais il se recomposa rapidement une attitude confiante, avant de retourner auprès de sa femme.

    -Tu fais de ton mieux, tu le sais ça ?

    Paul Ravert était venu rejoindre son ami, et tous deux regardaient le couple échanger quelques mots complices ; il y avait quelque chose de réconfortant à les voir ainsi tous les deux, unis malgré la dureté de la situation. Et Sungmin se jura effectivement de faire de son mieux et plus encore.

    -Peut-être... répondit-il. Je l'espère. Si les choses tournent mal, on n'est pas assez bien équipés pour...

    -On s'en inquiétera si les choses tournent mal. Pour le moment, ce n'est pas encore le cas. Pour le moment, tu l'as stabilisée, et personne d'autre n'est blessé. Ça va aller, Sung.

    -Depuis quand tu es si optimiste ? Ce n'est pas ton genre...

    -Depuis que toi, tu commences à voir la vie en noir. Ce qui n'est pas ton genre non plus, je te ferais dire. Alors tu vas me faire le plaisir de te reprendre, parce que faire preuve d'autant d'enthousiasme que je suis en train de le faire maintenant, ça commence à m’écœurer.

    -Je vais faire de mon mieux.

    Les deux hommes échangèrent un sourire, et Paul Ravert pressa doucement le bras de Sungmin dans sa main, en un discret signe de réconfort.

    -J'espère bien ! Et...

    Des grésillements l'interrompirent, et Paul porta la main à sa ceinture, d'où il décrocha la radio dont il était responsable. Tous les soldats de l'escouade portaient de petits communicateurs réglés sur la même fréquence mais Ravert, étant l'expert technique, détenait aussi la grosse radio à longue portée. Le major Adams lui avait demandé de la lancer dans un balayage de fréquences régulier, des fois qu'elle capterait quelque chose. Et c'était justement ce qu'elle était en train de faire.

    -Major ! Ravert fit signe à Canton Adams, qui vint à sa rencontre, suivi d'une bonne partie de l'escouade et des passagers, qui firent tous cercles autour de Paul Ravert. Il attendit le hochement de tête approbateur du major pour enclencher la radio, de manière à recevoir le signal de manière claire : quelqu'un était en train d'essayer de communiquer avec eux.

    -Allô ? fit simplement Paul Ravert, tandis qu'autour de lui, tout le monde retenait son souffle.

  • Lucie 25

    Une p'tite page toute neuve! Bon, il ne s'y passe pas grand choses, mais ça progresse doucement!^^

     

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    -Oh, s'exclama l'ingénieur en contemplant le canon du fusil pointé sur sa poitrine. A peine Paul Ravert avait-il ouvert la porte que l'escouade s'était mise en position, sous les ordres du major Adams. Sungmin s'était laissé tomber à genoux, arme à la main, et Ravert se tenait debout derrière lui, comme il était impossible de se tenir dans l'encadrement de la porte pour deux personnes de front. Sur les côtés, prêts à intervenir si besoin était, Stuart Moore et le caporal Velázquez étaient également aux aguets, fusils sortis. Samantha Jones avait récupéré son arme et resta aux côtés de Lucie, posant une main sur son épaule pour l'empêcher de se précipiter en avant. Le major se tenait entre elles et ses hommes, l'air totalement indéchiffrable. Tous avaient rangé leurs sourires et sortis leurs armes, et leur professionnalisme en tant que soldats de l'Hégémonie ne faisait plus aucun doute.

    -Identifiez-vous! ordonna Canton Adams de sa voix de stentor.

    -Marsters, major, répondit Kenneth, qui avait reconnu le grade de son interlocuteur. Kenneth Marsters, ingénieur civil, et voici...

    -Martha. Et vous êtes ?

    Martha Robbins n'avait pas l'air d'avoir été impressionnée par la démonstration des soldats de l'escouade, et elle se redressa de toute sa hauteur pour toiser Adam, à côté de l'épaule de Ravert. Ce dernier et Sungmin se regardèrent brièvement, marqués par l'aplomb de ce petit bout de femme et se demandant comment réagir. Canton ne le montra pas, mais il était lui-même étonné, et il sut aussitôt que cette femme était la mère de la gamine blonde. Elles avaient le même air, un peu délicat mais pourtant si décidé. Une véritable force intérieure.

    -Repos, soldats, fit-il à l'adresse de ses hommes, qui baissèrent leurs armes et relâchèrent leur tension. Puis, à l'adresse de Martha Robbins :

    -Major Canton Adams, commandant d'escouade de l'Hégémonie. Voici les soldats Ravert, Jung et Moore, et les caporaux Jones et Velázquez.

    -Nous nous sommes déjà rencontrés...admit Martha, tandis que Velázquez se fendait d'une gracieuse révérence et que Samantha laissait échappé un petit sourire gêné.

    -Maman !

    Cette fois-ci, le caporal Jones ne retint pas Lucie, qui courut à travers les soldats pour venir se jeter dans les bras de sa mère. Martha s'agenouilla pour mieux la serrer fort contre elle, leurs boucles blondes se mêlant les une aux autres. Mère et filles restèrent de longues secondes ainsi, profitant de leurs retrouvailles. Martha était peut-être habituée à ce que la fillette disparaisse plusieurs heures pour le simple plaisir de l'exploration et de la découverte, mais cela ne comportait aucun accident de train d'habitude, et elle réalisait enfin à quel point elle avait été inquiète. Elle raffermit sa prise et déposa un baiser sonore sur le front de l'enfant, avant de se décoller d'elle à contrecœur, les mains posées sur ses épaules. Se composant l'air le plus grave dont elle était capable étant donné les circonstances, Martha planta son regard dans celui de sa fille :

    -Ne me refais plus jamais une peur pareille ! Je sais que tu ne peux pas t'empêcher de partir l'aventure, mais préviens moi avant, au moins ! Que je sache où tu es !

    -Mais mamaaan, monsieur Travers nous avait dit qu'on pouvait se balader dans le train et qu'on ne risquait rien, et on m'a dit qu'il y avait des poulets, et...

    -Tu n'a pas à écouter ce crétin de monsieur Travers, tu dois m'écouter moi. Et dorénavant, je ne veux plus te voir filer n'importe où, c'est bien compris ? Qui sait ce qui pourrait encore se passer pendant que nous sommes bloqués ici ?

    En disant cela, Martha songeait surtout à la théorie de Marsters, comme quoi quelqu'un à bord du train était responsable pour le choc ; et si c'était vrai, elle n'avait aucune envie que sa fille tombe sur cette personne. Elle était bien décidée à ne plus la quitter des yeux.

    -D'accord, j'ai compris, répondit Lucie, un peu penaude.

    -Alors nous sommes d'accord, toutes les deux. Et je suis content de te revoir.

    Martha retrouva le sourire, et passa une main dans les cheveux de Lucie. Dégageant quelques mèches, elle repéra le pansements que sa fille avait sur le front :

    -Qu'est-ce qui t'est arrivé ?

    -Elle s'est cognée pendant l'arrêt forcé, des plaies et des bosses. Le soldat Jung a examiné la coupure qu'elle s'est faite au front, rien de grave. C'est notre médic. Nous sommes tombés sur Lucie quelques wagons plus loin, quand nous étions en train de remonter vers vous et les autres passagers. Vous avez une petite fille très courageuse.

    Martha sembla pour la première fois réellement remarquer la présence de Canton, et elle se redressa avec habileté, tenant toujours Lucie contre elle. Elle se rappelait du regard bleu du major, qu'elle avait entraperçu sur le quai il y a plusieurs heures de cela, avant de monter dans le train, quand il était venu rappeler Jones et Velázquez à l'ordre. Et comme sa fille avant elle, elle fut frappée par la force bouillonnante qui émanait de l'homme, derrière une surface mesurée toute en angles droits. Et Martha Robbins, qui n'était pas femme à accorder facilement sa confiance à qui que ce soit, se sentait pourtant un peu plus en sécurité maintenant que le major était dans les parages. Le major et ses hommes, bien sûr. Elle et lui prirent quelques secondes de plus pour se jauger mutuellement, afin de savoir à qui ils avaient réellement affaire, et ils décidèrent qu'ils en étaient satisfaits. Ce fut Ken Marsters qui rompit le silence, se raclant la gorge avant de s'avancer à son tour :

    -Vous avez un médic, c'est une bonne nouvelle ! Une passagère s'est blessée à la jambe, une vieille dame.

    -Il est temps de nous remettre en route, alors. Sungmin pourra s'occuper d'elle. Moore, vous resterez ici, en arrière-garde.

    -Bien major.

    -Ravert, Jung, vous prenez les devants, nous suivrons.

    Les deux homme saluèrent et partirent les premiers, tandis que les soldats et les civils restants se rassemblaient.

    -Merci de l'avoir trouvée, dit Martha à l'adresse d'Adams, tenant toujours Lucie contre elle.

    -C'est le caporale Velázquez qui l'a repérée.

    -Merci, caporal.

    -Mais de rien, très chère ! Velázquez rayonnait, un sourire éclatant sur le visage, et il allait ajouter quelque chose avant qu'un rapide coup de coude dans les côtes de la part de Sam Jones ne l'en empêche.

    -En route, lança le major, tandis qu'un peu plus loin en avant, Sungmin Jung et Paul Ravert arrêtèrent la course, armes en avant, d'un Arthur Kent étonné :

    -Euh... J'imagine qu'il n'y a plus besoin de ça? fit l'écrivain, sans trop savoir où se mettre, brandissant piteusement la carte d'Ed Travers.