Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Plume de Renard - Page 40

  • Nikita

     

    Encore un petit interlude, parce que je viens de terminer de regarder l'épisode de la semaine de la fantastique série qu'est « Nikita », au son de la chanson « Never Let Me Go » de Florence and the Machine. Et du coup, et bien j'ai envie de parler un peu ici. De « Nikita », donc (ceci dit, « Florence and the Machine » c'est excellent aussi : ça, c'est de la bonne musique qu'il est toujours agréable de voir -ou plutôt d'entendre- utilisée dans tel ou tel programme télé) ! Parce que cette série, c'est quand même parmi ce qui se fait de mieux dans le domaine riche et fertile des séries télévisées. Carrément, et ouais, je n'ai pas peur des mots ! Pourtant, il aura fallu lui donner le temps de me laisser convaincre, car quand je m'étais attaqué à la première saison suite à de très bonnes critiques du site IGN (qui m'aura entre autres fait découvrir « Supernatural » ou « Parks and Recreation », donc pour moi une bonne base sur laquelle me fier), je ne m'attendais pas à grand chose. Après tout, il s'agit ici d'une énième série de la chaîne américaine CW, où tous les acteurs ont des allures de mannequins et où l'esthétisme global mise sur cet accent « beautiful people ». En plus, le genre est celui de l'espionnage et de l'action, et ces derniers ne font pas vraiment partie des critères qui retiennent mon attention... Aussi, mon histoire d'amour connut des débuts un peu difficiles, le temps que je prenne le temps de m'immerger dans l'ambiance de cette série, d'apprendre à mieux connaître ses personnages et à apprécier tous les niveaux de l'intrigue. Et maintenant que la saison trois a débuté ce mois-ci avec ses deux premiers épisodes, je peux sans trembler annoncer que la télévision tient là un véritable bijou d'orfèvre, avec plus de carats qu'il n'en faut pour contenter le public le plus exigeant !

     

    Il faut savoir qu'à part le nom et la thématique de base, la série n'a visiblement pas grande chose à voir avec la saga dont elle est le remake moderne, à savoir la franchise du film et de la série « La Femme Nikita ». L'héroïne a le même nom et le cadre est semblable dans ce qu'il a de basique mais, au-delà de ça, cette nouvelle mouture a su se créer une identité propre et terriblement efficace. Quant à savoir ce que cela vaut par rapport aux originaux d'époque, je suis mal placé pour le savoir, n'y ayant jamais jeté un œil. Aussi, ce dernier était tout frais, tout neuf, quand j'ai décidé de donner sa chance à cette série et bon sang, ce que j'ai bien fait ! Et pourtant, comme dit plus haut, le pitch de base n'avait rien pour me transcender : Nikita est une recrue formée par l'organisation gouvernementale secrète « Division » pour assassiner des cibles jugées dangereuses par le gouvernement en question. Hors, « Division » finit par devenir une véritable organisation criminelle usant de ses agents pour son profit personnel et Nikita, décidée à leur faire payer la vie qu'ils lui ont volée en faisant d'elle un assassin contre son grès, s'évade. Dès lors, elle n'a plus qu'un but : faire tomber « Division », en y infiltrant une jeune recrue entraînée par ses soins. Oui, dit comme ça, j'avoue, ce n'est pas très sexy, comme scénario. On a peu l'impression d'en avoir vu mille variante, et on s'attend à une bête série pleine d'action et de filles sexy, le tout sur fond d'explosions. Malheureusement, c'est un peu comme ça que la présente également le marketing pour cette série, que je juge désastreux : quand on voit les jaquettes des coffrets dvds ou un trailer, par exemple, on est loin du produit fini... Car au-delà de ce point de départ en apparence peu brillant se cache un véritable bijou.

     

    Derrière l'esthétique typiquement « CW », avec en têtes des acteurs tous séduisants (mais très loin d'être mauvais, c'est même tout le contraire), se cache une historie ficelée aux petits oignons. C'est bien simple, en terme de travail du scénario, « Nikita » est sans-doute l'une des séries les plus brillantes et efficaces tellement c'est bien écrit. Je le redis : du vrai travail d'orfèvre. Ne comptez pas y déceler beaucoup de plot-holes et d'incohérences, d'autant plus quand la plupart d'entre eux se font élucider au fil du temps. Le rythme est magistralement exécuté, et c'est là la grande force de la série, ainsi que d'une certaine manière son originalité : elle n'a jamais peur de se renouveler, et n'attend pas le cliffhanger d'une fin de saison pour changer la donne. Non, la donne est changée plusieurs fois par saison, tellement les retournements de situation sont nombreux -et ce sans être tirés par les cheveux ! Plusieurs fois au cours d'une même saison, on a l'impression de se retrouver soudain confronté à une sorte de nouvel épisode pilote tellement la situation est retournée de bout en bout. La série n'a jamais peur de surprendre ou de bouleverser son équilibre, et c'est un élément incroyablement rafraîchissant, d'autant plus quand il est aussi bien exécuté que ça. Attendez-vous à être surpris par la vitesse à laquelle les événements se déchaînent, et au brio de leur mise en scène, un autre domaine où « Nikita » excelle. Rien n'est jamais ce que l'on croit, et le chemin est difficilement prévisible, tant les objectifs changent et se modifient, et ce avec une véritable cohérence d'ensemble malgré tout et pratiquement aucun points d'intérêts perdus en chemin (au contraire de « Fringe » par exemple, qui a un peu tendance à vouloir se réinventer tous les six épisodes, mais en oubliant les trois quarts des trames précédentes en cours de route). Cette volonté de ne jamais perdre de temps -ce n'est pas dans « Nikita » que les intrigues traînent en longueur dans le seul but de rajouter plus d'épisodes- donne à cette série un dynamisme fort et, quelque part, très frais, loin de ces status quo souvent trop prononcés dans la plupart des autres séries. Dans « Nikita », il n'y a que peu de status quo, et ce dernier n'est jamais à l'abri de se voir soudainement renversé. Et c'est un régal de voir les nouvelles pistes dans lesquelles se lance la série, comme en ce début de saison trois qui ressemble au début d'une série différente tant elle se réinvente déjà, tout en conservant tout ce qui fait sa force depuis deux saisons.

     

    Et quand on ajoute à tout cela des personnages très réussis incarnés par des acteurs de talent, c'est encore mieux ! Maggie Q (Nikita) incarne à merveille la femme d'action, tout en étant capable d'y apporter un côté vulnérable sans trop se perdre dans les clichés du genre. Lyndsy Fonseca est tout aussi bonne dans le rôle d'Alexe, la jeune recrue infiltrée par Nikita dans « Division ». Fonseca est véritablement une jeune actrice de talent (en plus, je l'avoue, d'être sans doute un de mes plus gros crushs d'actrices de ma carrière de spectateurs, en sachant que je n'ai que très rarement des crushs pour des actrices ; yep, cette fille est incroyablement mignonne!). Melinda Clarke (Amanda, la psy de « Division ») est une habituée des rôles de garce façon reine des glaces, qui lui conviennent à merveille, et les hommes ne sont pas en reste entre un Shane West torturé et sa voix rocailleuse (Michael, l'ancien superviseur de Nikita à la loyauté mise à l'épreuve) et Aaron Stanford (Birkhoff, le génie de l'informatique de « Division », qui contribue à l'humour de la série en s'appropriant brillamment le cliché du geek de service sans jamais le rendre insupportable ; l'évolution de son personnage est d'ailleurs un aspect terriblement intéressant de la série). Mais à mon avis, la vedette est volée par le brillant Xander Berkeley dans le rôle de Percy, le terrible type en costume trois pièces qui règne sur « Division ». Doté d'un charisme et d'une présence sans égal, d'une personnalité fascinante et diffusant une véritable menace, Percy est sans doute -pour moi en tout cas- l'un des antagonistes les plus réussis et les plus redoutables de toute l'histoire de la télévision -et voir même de la fiction en général ! Manipulateur, intelligent, rusé, égocentrique, dangereux, il ferait passer le dieu nordique des magouilles Loki pour un vulgaire marchand à la foire ambulante. Percy, c'est l'un de ces méchants qui fascine dès la première apparition, de ceux qui restent toujours en contrôle et qui font le mal avec tellement de classe et de talent qu'on peut parfois se surprendre à avoir envie de le voir gagner. Oui, c'est à ce point : Percy, c'est juste un de ces personnages qui marquent sur tous les niveaux !

     

    Bref, au final, tous les ingrédients sont réunis pour proposer une série explosive, intelligente, dynamique, au rythme sans tâche et dotée d'un script aux petits oignons. C'est à mon grand regret l'une des séries les plus sous-estimées par le grand public et sa propre publicité, et tout amateur d'histoire impeccablement construite qui ne prend jamais ses spectateurs pour des idiots se devrait d'y jeter un oeil et de prendre le temps de s'attacher à cet univers où tout peut changer en un instant, et pas seulement en fin de saison dans le but de garder son audience. Vous voulez quelque chose de léché, d'esthétique, de rythmé et, plus que tout, d'intelligent et dotés de vrais personnages forts ? N'hésitez plus, cette série est pour vous ! Pour ma part, je suis plus que convaincu et, même si oui, je sais, je suis parfois trop bon public, là je peux vous assurer que c'est une série qui vaut largement le détour. Ne serait-ce parce que des séries comme ça, aussi dynamiques et ayant aussi peu froid aux yeux que ça concernant son rythme et ses changements, ça ne court pas les rues, et c'est toujours un véritable bol d'air frais dans ce monde parfois un peu saturé de la série télévisée.

     

  • Carré de ciel

    Point de "Lucie" aujourd'hui, parce que j'ai eu envie d'écrire autre chose: parce que c'est l'automne, et que c'est une saison qui mérite d'être célébrée! ^^

    ________________________________________________________________________________

     

     

    Vous avez toujours aimé l'automne. Après le voile solaire et agressif d'un été éclatant, vous accueillez avec un vif plaisir ce changement de saison comme vous retrouveriez un vieil ami (mais sans avoir besoin de lui payer un verre). Des septembre, il y a quelque chose dans l'air qui vous remplit les poumons d'une douce fragrance et qui fait circuler dans votre corps un peu rouillée une énergie revigorante et bienvenue. Et ça vous fait un bien fou ! Parce qu'autant le dire, en été, vous êtes rarement au sommet de votre forme. Plutôt que de vous gorger d'énergie solaire, vous avez plutôt l'impression que l'astre du jour, à trop haute dose, pompe plutôt la vôtre. Pourtant vous n'avez rien contre un beau ciel bleu et un temps sans nuages, mais le manque de variations climatiques vous ennuie. Vous préférez le ballet d'un ciel changeant qu'il soit gris, bleu ou rose. Trop de bleu vous donne le tournis, vous avez l'impression qu'il suffirait de lever le pied pour vous y perdre et y flotter à jamais. Et pour autant que vous appréciez la vastitude de l'univers, vous préférez le contempler les pieds sur terre plutôt que d'y dériver sans but et sans attaches. Ce qui ne vous empêche pas d'éprouver pour ce dernier une profonde fascination. Pour vous en rendre compte, il vous suffit généralement de sortir du métro à l'arrêt de la Riponne et de monter à l'air libre par l'escalier vous amenant directement sur cette place, qui cumule pour vous un nombre de significations toujours plus grand. Comme celle de ce fameux escaliers car, quand vous l'empruntez et que vous regardez en l'air et pour peu que le ciel soit d'une couleur totalement uniforme dépourvue de la moindre variation climatique, c'est pour découvrir un carré de ciel parfait. Il y a en endroit lors de cette montée où nulle construction, nulle forme, nulle ombre ne vient troubler l'étendue azurée et vous avez l'impression qu'il ne vous reste que quelques marches à gravir pour tomber tête la première dans cette étendue bleue ou grise. A chaque fois, pour peu qu'elle ne soit pas troublée par un nuage, la silhouette d'un avion, d'un oiseau ou la présence de trop de monde, l'illusion est pour vous si parfaite que vous vous y laissez prendre comme un enfant émerveillé par sa première perception de l'immensité du monde.

     

    Et quand vous gravissez ces dernières fameuses marches pour émerger à l'air libre, vous ne l'appréciez jamais autant qu'en une belle journée d'automne. Il n'y a rien de tel qu'une fin d'après-midi en cette saison, où tout semble courir vers sa fin, des feuilles qui tombent aux journées qui se raccourcissent. Dans ce court moment avant que le soleil ne commence vraiment à ce coucher, et après qu'il ait paradé haut dans le ciel, il y a dans cette ambiance si particulière un vif sentiment d'exaltation qui a le chic pour vous toucher jusqu'au plus profond de votre être. Un bref moment où, prenant une grande inspiration, vous vous sentez plus en vie et en phase avec ce grand univers que jamais. Un bref moment qui vous donne aussi bien l'impression de durer toujours. L'air frais s'infiltre en vous, le vent caresse votre visage, les derniers rayons de soleil paressent sur votre peau et, tout autour de vous, le monde continue de tourner et vous avez tellement l'impression de réussir à suivre ne serait-ce qu'un petit moment le mouvement que vous n'avez même plus le tournis caractéristique qui afflige généralement votre personnalité angoissée. Mais ces quelques secondes n'ont pas de place pour les angoisses, ni pour les inquiétudes de toutes sortes, car c'est pour vous l'équivalent de respirer un bon coup et de se dire que tout va bien. Et à ce moment précis, là, tout de suite, tout va bien. Et le simple fait que vous puissiez vous le dire signifie à quel point vous avez évolué au fil de l'année qui vient de s'écouler. C'est comme se réveiller dans l'instant présent après une longue nuit de sommeil où vous ne faisiez que subir les cauchemars du passé et les rêves de l'avenir. Là, sous ce ciel d'automne et cette température qui s'adoucit, vous sentez votre emphase avec le présent grandir au fur et à mesure que les jours se font plus courts. Vous avez la furieuse et enivrante sensation de vivre, enfin ! Et autant dire que ça fait un bien fou !

     

    Finies, les grosses chaleurs qui avaient tendance à ralentir votre esprit et ramollir votre corps (enfin, plus que d'habitude), vous poussant à vous retourner maintes et maintes fois les nuits de canicules. Fini, le soleil implacable vous cognant sur la tête et plissant vos petits yeux encore un peu ensommeillés qui n'avaient rien demandé à personne. Et si vous avez traversé l'été avec plus de facilité que de coutume quand on connaît votre tendance à dépérir et déprimer durant les plus beaux et actifs jours de l'année (à la grande stupéfaction d'une bonne partie de votre entourage, qui ne comprend pas très bien votre cycle particulier : l'automne et l'hiver favorisent chez vous l'énergie et la bonne humeur, tandis que le printemps et l'été marquent le déclin de vos forces engrangées durant les mois d'ombres), vous êtes tout de même ravi que l'automne ait ramené le bout de son nez. Il y a les couleurs éclatantes qu'il peint sur le paysage, que vous préférez nettement voir sur les feuilles que reflétées dans des lunettes de soleil, et cette teinte particulière du ciel, le tout agrémenté d'une atmosphère unique que vous avez presque l'impression de pouvoir goûter et faire tourner en bouche comme un bon vin (non pas que vous y connaissiez quoi que ce soit en vin ; de toute façon, au restaurant, les serveurs ont longtemps eu spontanément le réflexe de vous proposer un jus d'orange en apéritif qu'un verre d'alcool). C'est comme renfiler de vieux habits fidèles et confortables qui, sans trop savoir pourquoi, arrivent encore à vous surprendre et à vous donner l'impression de ne jamais encore avoir été portés. Alors vous avez envie de sortir les montrer, de parader dans vos beaux atours et de profiter de chaque jour, de chaque heure, de chaque minute de cette cape saisonnière. Jamais la vie ne vous paraît aussi courte que ces quelques mois de l'année, tout en vous paraissant aussi magique, entière, et valant pleinement chacun de ces jours, heures et minutes. Que ce soit lors d'une balade en ville en une de ces fameuses belles et sublimes fins d'après-midi, ou parmi les arbres parés de leurs plus belles couleurs dans les forêts rouge et or, vous ne pouvez faire autrement que d'avoir la pêche (malgré votre allergie aux fruits) dès que vous mettez le bout du nez dehors.

     

    Et cette année qui vient de s'écouler, placée sous le signe de la stabilité bien plus que nombre de ses précédentes, l'automne vous paraît encore plus beau, encore plus grand, encore plus doux (et il lave même les blancs les plus tenaces sans laisser de traces!). Peut-être est-ce parce que vous êtes enfin arrivé à un point précis de votre vie où, plutôt que de basculer dans l'excès, vous êtes en train de trouver une sorte d'équilibre ô combien rafraîchissant et reposant. Vous vous sentez apaisé, et vous l'êtes encore plus quand vous regardez dehors pour contempler la saison qui avance. Mais apaisé ne veut pas dire assommé, au contraire, et vous n'avez plus qu'une envie : vivre. Pleinement, chacun des instants qui s'offrent à vous, sans perdre de temps. Du temps que vous avez trop perdu, mâtiné de regrets, mais que vous voulez vous efforcer de rattraper de la meilleure des façons : soit en gaspiller le moins possible, de cette matière jamais retrouvée. Chaque moment est précieux, c'est ce que vous réussissez à vous dire de plus en plus et -inouï!- à y croire ! Parce qu'il y a de belles choses sur votre chemin encore, alors qu'il y a peu encore vous croyiez bêtement ne plus y avoir droit. Mais maintenant, vous savez que vous avez encore plein de ces choses à découvrir, expérimenter, chercher, et que vous n'êtes pas près de vous ennuyer. Ou de manquer de ce souffle qui vous fait avancer dans cette vie qui vous donne toujours l'impression d'être un peu plus nouvelle. Vous n'avez même plus à y marcher seul, vous découvrant des connexions avec d'autres individus que vous étiez persuadé de ne plus jamais retrouver avec qui que ce soit. Votre route est arpentée par d'autres personnes, anciennes comme nouvelles, et vous n'avez plus envie de rester sur le bord du chemin avec un caillou dans la chaussure. Vous avez envie de marcher et courir à leur côté, de leur prendre la main et de ne plus la lâcher. Et vous avez envie de ne plus vous perdre de vue, maintenant que vous avez un peu l'impression de vous être enfin trouvé, et de vous sentir vous-même de plus en plus. Le vrai vous, qui n'aspirait qu'à remonter à la surface pour prendre l'air...et y rester, séduit par les partages, les échanges, les découvertes, les rires, les mains tendues, les baisers et les couleurs de l'automne.

     

    De cette saison, on dit parfois qu'elle marque le début de la fin, et l'on s'attaque à la poésie de ses couleurs en rappelant que les feuilles qui tombent ne sont que les prémices de la mort des arbres, et que l'hiver suivra avec son froid et son obscurité. Vous, vous avez plutôt envie de voir cet automne comme symbole d'un changement, en accord avec votre nature cyclique (mais plus stable que jamais, on dirait bien). Du changement qui vous aura apporté tant ces derniers mois, cette année qui vient de s'écouler, et ce sur bien des points. Et des changements futurs qui vous attendent, de cette nouvelle étape de votre vie que vous allez entreprendre de découvrir avec le plus d'enthousiasme et de cœur possible, et sans même devoir vous y forcer. Vous n'avez qu'à prendre une grande inspiration, une belle fin d'après-midi automnale, pour vous le rappelez dans les moments de doute. Et pour vous rappelez que tout change mais qu'on n'a pas besoin de le vivre seul, que le monde est grand, l'univers encore plus, et qu'il recèle en lui une formidable réserve d'automnes.

     

    Alors vous avancez dans le carré de ciel, et vous tendez la main : vous n'êtes plus obligé de tomber.

     

  • Lucie 41

    La page du jour!^^

    ___________________________________________________________________________________

     

     

    -Vous avez mal ?

     

    Il sursauta, mais se retourna pour découvrir une vision bien moins effrayante que l'un des monstres qui l'avait attaqué, lui et les autres. Lucie Robbins le regardait, les mains croisées dans son dos, se balançant d'avant en arrière sur ses petits pieds bottés. Elle s'était éclipsée de la garde de sa mère, qui avait devancé Kenneth en allant interrompre Arthur Kent dans son œuvre. Il était sans doute mieux que l'écrivain cessât de se prostrer ainsi dans son coin, et Martha l'avait sans doute bien compris. Elle gardait néanmoins un œil vigilant sur sa fille, s'assurant régulièrement de sa présence dans le wagon.

     

    -Un peu, répondit Kenneth à la fillette. Ce n'est jamais très agréable...

     

    -Un animal m'a mordu, une fois. C'était le perroquet du conservatoire, qu'on était allés visiter avec l'école. Mais je ne crois pas qu'il ait fait exprès, il était vieux et un peu grognon...

     

    -Il ne s'agit pas vraiment du même genre de perroquet...

     

    -Je sais, j'ai entendu quand les soldats et vous avez décrit les monstres. Je ne savais pas qu'ils étaient comme ça.

     

    -Les monstres ont bien des formes.

     

    -Je le sais aussi. Maman la déjà dit. A propos d'un homme...mais elle n'aime pas que j'en parle.

     

    -Oh. Je vais faire comme si tu n'avais rien dit. Marsters était intrigué ; il se demandait qui donc pouvait mériter un tel qualificatif de la part d'une femme comme Martha, qu'il n'imaginait certainement pas effrayée par quelque monstre que ce soit. Mais il était vrai que mère comme fille n'avaient pas vraiment évoqué leur passif. Il avait pensé que c'était parce qu'elles n'avaient pas grand chose à en dire mais, plus il observait les Robbins, plus il avait l'impression que quelque chose leur était arrivé, quelque chose qui avait fait de leur ticket pour Haven une véritable aubaine. A bord de ce train, Kenneth avait de toute façon l'impression que tous ou presque avaient eu quelque chose à fuir. Y compris lui, comme il était en train de s'en rendre compte.

     

    -Je me demandais si en allait en voir pendant le voyage. Les monstres.

     

    -Comment ça ?

     

    -Les plus vieux en parlaient souvent le soir, quand ils avaient un peu bu, là où travaillait maman. Ils parlaient des histoires de leurs parents à eux, qui les avaient entendues il y a longtemps de gens encore plus vieux, quand il y avait encore des gens qui devaient travailler dehors pour construire le complexe. Des monstres de la surface, qui enlevaient des hommes dans la neige...

     

    -Ce ne sont que des histoires, tu le sais, ça ?

     

    -Il y a ceux dans mes rêves, aussi. Où je vois leurs yeux bleus, et le froid qui les entoure. Sauf que je n'ai pas froid, pas quand je rêve.

     

    Pragmatique de nature, l'ingénieur ne savait trop comment réagir aux révélations de Lucie. Il était captivé par l'intensité de son regard, dans lequel on reconnaissait la force de celui de sa mère, avec quelque chose de plus. Quelque chose d'indéfinissable sur lequel il n'arrivait pas vraiment à mettre le doigt dessus et qui lui rappelait l'éclat de ces redoutables créatures. A cette pensée, il eut froid, et il resserra le col de son épais manteau qu'il venait de renfiler par-dessus sa chemise déchirée. La veste l'était aussi, alors il se jeta une couverture sur les épaules.

     

    -Tu as des rêves...intéressants, finit-il par dire, se sentant un peu bête.

     

    -Je crois que c'est ce que pense le père Delgado. Il était intéressé par mes rêves en tout cas, quand je lui en ai parlé avant l'accident.

     

    Tiens donc, songea Marsters. Il tourna la tête, et vit que le jeune prêtre était justement en train de les regarder, Lucie et lui. Sans trop savoir pourquoi, cela mit Kenneth un peu plus mal à l'aise, et ne s'arrêta pas même quand Delgado détourna le regard pour se replonger dans le petit livre noir qu'il était en train de lire.

     

    -En tout cas, je suis content que vous ne soyez pas mort, déclara soudain la fillette, et Marsters lui sourit, touché par la sincérité de ses paroles :

     

    -Moi aussi.

     

    -Le docteur Jung sait bien soigner, je n'ai presque plus mal à la tête. Il m'a mit une compresse comme à vous !continua-t-elle, désignant d'un doigt le pansement collé sur son front.

     

    -Bon, je crois que nous allons nous en sortir, alors ! Dis moi, à propos de...

     

    Mais Kenneth ne put finir sa phrase. Avec un raclement de gorge sonore, le major Adams avait attiré l'attention de tous les passagers et se tenait debout au milieu du wagon, manifestement dans le but de se faire entendre de tout le monde. Il attendit que le silence se fît complètement, puis il prit la parole.